Par Marie-Josée Lévesque, étudiante à l’EBSI.
En tant que technicienne dans un institut de recherche, j’utilise dans mon quotidien un cahier de laboratoire. Tel un journal de bord, j’y inscris chronologiquement tout ce qui rapporte à un projet. Ainsi, les hypothèses de départ, les protocoles utilisés, les observations, les mesures, les calculs, les résultats obtenus ainsi que leur interprétation sont fidèlement consignés. Cela permet de conserver les traces du cheminement expérimental d’un projet de recherche, d’éviter de perdre des données ou de répéter des expériences qui n’ont pas fonctionné. Il contient tous les renseignements pertinents à un projet de recherche.
De manière plus générale, le cahier de laboratoire permet de répondre aux bonnes pratiques de recherche scientifique en assurant la traçabilité des travaux expérimentaux réalisés dans le cadre d’un projet ou d’un stage. Le cahier assure la continuité des projets de recherche ainsi que la reproductibilité des protocoles expérimentaux. Il permet la transmission des connaissances et des savoirs faire aux différents intervenants du projet la recherche. (CNRS, 2006). Toutes ces caractéristiques révèlent la valeur administrative du cahier de laboratoire. Outil incontournable des acteurs de la recherche (chercheurs, techniciens, étudiants) ; le cahier est nécessaire à la poursuite des activités de recherche au quotidien. Les renseignements qu’il contient peuvent servir à la rédaction de rapports, d’articles scientifiques, de thèses ou de demandes de financement. On peut aussi s’y référer pour l’élaboration de nouveaux projets.
Le cahier de laboratoire possède aussi une valeur juridique, car il constitue un élément de preuve lorsqu’il s’agit de faire valoir des droits de propriétés intellectuelles ou de brevet, pour se défendre contre des accusations de fraude ou de plagiat ou pour déterminer la répartition des gains financiers entre plusieurs inventeurs (CNRS, 2006).
On parle peu de cet aspect, mais le cahier de laboratoire possède aussi une valeur historique. Étant la propriété de l’organisation, les cahiers doivent lui être rendus au départ de l’employé ou d’un étudiant. Non seulement l’information contenue dans le cahier de laboratoire documente les activités effectuées au cours d’un projet de recherche à une période donnée, mais elle témoigne aussi des champs d’intérêt d’une organisation, de son expertise ainsi que des approches qui ont été privilégiées. Le cahier de laboratoire met en lumière l’évolution des techniques propres à un domaine scientifique (je l’ai moi-même constaté en parcourant les cahiers de laboratoire produits au fil des années !). Il est aussi le reflet de la mission, de la vision et des valeurs véhiculées par l’organisation.
Cependant, afin de garantir pleinement la valeur de ce document d’archives, il est impératif de consigner l’information de manière rigoureuse et lisible. Il est recommandé d’inscrire les données à l’aide d’un crayon à l’encre dans un cahier relié et non sur des feuilles mobiles. Il ne faut jamais arracher de pages et toute nouvelle entrée dans le cahier doit être datée. Le liquide correcteur est à proscrire. Si une donnée doit être corrigée, il faut raturer la valeur erronée tout en la laissant lisible. Toute modification doit être signée et datée. Ces précautions visent à préserver l’authenticité, l’intégrité et la fiabilité du cahier de laboratoire (Interface, 2004).
Avec l’utilisation croissante de logiciels de bureautique et autres outils informatiques, les cahiers de laboratoire ressemblent de plus en plus à des livres de collimage (scrapbook) (Debiguarré,2016). Ainsi, s’insèrent dans le cahier de laboratoire, différents types de documents, tels que des photos, des graphiques, des tableaux, des dessins, des protocoles. De nos jours, l’acquisition des données expérimentales étant de plus en plus numérique, le cahier électronique commence à s’implanter dans les laboratoires. Cet outil permet un repérage rapide et une meilleure lisibilité de l’information. Doté d’une grande capacité de stockage des données, il comporte cependant des risques au niveau de la protection des informations numériques ainsi que des problèmes de compatibilité lorsque de nouvelles versions du logiciel sont publiées. Les cahiers électroniques sont aussi très onéreux (Ryan, 2008).
Papier ou électronique, le cahier de laboratoire est l’outil indispensable du scientifique. Si elles sont fidèlement enregistrées, les informations contenues dans le cahier de laboratoire lui confèrent une valeur administrative, juridique et historique. Le cahier de laboratoire témoigne du processus expérimental, de la conception du projet jusqu’à la conclusion. Il constitue un gage de qualité de la démarche scientifique et un élément-clé pour la protection de la recherche. Finalement, le cahier de laboratoire fait partie des archives patrimoniales d’une institution de recherche.
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* Ce texte est une version révisée et augmentée d’un travail pratique réalisé dans le cadre du cours ARV1056 – Diffusion, communication et exploitation – donné au trimestre d’hiver 2018 par Yvon Lemay à l’EBSI, Université de Montréal.
Sources consultées :
CNRS. Le cahier de laboratoire national : comment l’utiliser ? 2006.
Repéré à : http://www.cnrs.fr/infoslabos/cahier-laboratoire/docs/CdL_Comment.pdf
Debigaré, Josée. 2016. Un carnet de laboratoire électronique (CLÉ) avec Moodle. Repéré à : http://www.profweb.ca/publications/recits/un-carnet-de-laboratoire-electronique-cle-avec-moodle/
Interface entreprises-université de Liège. 2004. Rôles et enjeux du cahier de laboratoire. Repéré à : http://www.ccmm.ma/documents/3eme%20Semonaire%20Valorisation/I.%20Rausin/cahierdelaboratoire.pdf
Ryan , Philip. 2008. Keeping a Lab Notebook Basic Principles and Best Practices.
Repéré à : https://www.training.nih.gov/assets/Lab_Notebook_508_%28new%29.pdf
Merci Marie-Josée!
À consulter peut-être : Bruno Latour, La vie de laboratoire…