Par Jonathan David
Paru récemment, le très attendu livre de Marie-Anne Chabin, Des documents d’archives aux traces numériques – Identifier et conserver ce qui engage l’entreprise – La Méthode Arcateg™ suscite des réactions dans l’ensemble de la francophonie. Marie-Anne Chabin viendra elle-même présenter sa méthode aux Québécois le 28 novembre prochain à la Grande bibliothèque de Montréal. D’ici là, Convergence vous propose un entretien exclusif avec la fondatrice d’Arcateg™. Voici d’abord une petite mise en contexte.
De quelle méthode parle-t-on?
D’abord qu’est-ce qu’ Arcateg™? Fondée en 2007 par Marie-Anne Chabin, cette méthode se présente comme une révolution dans la gouvernance de l’information en entreprise. Son but principal est de vous épauler de A à Z afin de transformer en totalité le système de gestion de l’information de votre organisation, peu importe son domaine d’affaires. Le point de départ de la méthode consiste en ces trois constats assez simples :
- « il existe des milliers de documents différents alors que les durées réelles de conservation ne sont pas si nombreuses (2, 3, 5, 10, 15, 30 ans et au-delà);
- le nom des documents est très insuffisant pour déterminer la durée de conservation des documents (décalage entre le nom et le contenu, copie ou original, risques différents selon les entreprises) ;
- le même document peut avoir plusieurs intérêts de conservation justifiés, mais il y en a toujours un qui est plus long et c’est celui que l’entreprise, en tant qu’entité juridique, doit retenir ».
(Source : http://www.arcateg.fr/methode/)
La méthode s’appuie alors sur un système inédit de codification en 100 catégories et sur 20 domaines de risque. Une catégorie de conservation est définie comme étant « une boîte virtuelle, codifiée, regroupant tous les documents devant être conservés pendant la même durée pour la même raison (Ibid.) ». Toute information doit pouvoir, dès sa création, entrer dans une des catégories proposées.
Qu’est-ce que ce livre peut vous offrir?
Même si vous n’avez pas l’intention de vous lancer dans un changement de gouvernance à court terme, le livre Des documents d’archives aux traces numériques vous donnera de précieux conseils qui pourraient inspirer votre pratique actuelle.
En effet, l’ouvrage est segmenté en deux parties. Les 76 premières pages sont consacrées à la définition complète de ce qu’est une information d’entreprise. On y parlera à la fois d’utilisateur, d’accès, de sécurité, de conservation, mais également de typologie, de contenu, de support. Cette section est donc particulièrement riche en théorie; beaucoup de définitions y sont combinées, mais toujours avec un esprit de synthèse exceptionnel. Rappelons que globalement, la gouvernance de l’information en entreprise comporte deux grands axes :
- « un axe « utilisateurs » qui vise à l’amélioration continue de l’accès des collaborateurs à l’information dont ils ont besoin (partage, collaboratif, processus métier, recherche),
- un axe « responsabilité d’entreprise » avec la nécessité de protéger et de conserver les actifs documentaires de l’entreprise, mais aussi de détruire les éléments inutiles ou périmés (75% du stock) qui sont coûteux et risqués ».
(Source : http://www.arcateg.fr/conseil-et-expertise/)
La seconde partie du livre consiste à démontrer en détail comment fonctionne l’organisation de l’information avec la méthode Arcateg™. On présente d’abord la théorie, puis ensuite les étapes d’implantation concrète de la méthode dans votre organisation. Une section complète est dédiée à un cas exemplaire, celui de l’entreprise Getacra. On termine ensuite sur des applications spécifiques: dématérialisation, formation des collaborateurs, continuité d’activité, etc.
Pour conclure, il est a noter qu’actuellement, il est difficile, voir impossible de ce procurer l’ouvrage en Amérique du Nord. Il est toujours possible de le trouver sur le site de l’éditeur français , mais sachez également qu’il sera disponible à l’achat lors de sa conférence le 28 novembre prochain à la Grande bibliothèque de Montréal.
Entretien avec la fondatrice d’Arcateg™
J.D. – Pour le bénéfice de nos lecteurs, pouvez-vous nous résumer en quelques mots la nature et l’objectif principal de la méthode Arcateg™.
M-A.C. – Arcateg™ est un outil méthodologique qui vise à faciliter la mise en œuvre d’un projet de gestion de l’information à risque dans la durée. La méthode apporte d’une part un référentiel de conservation (les règles de vie applicables aux documents et données à risque) qui est simple et universel (dans l’esprit de la norme ISO-15489), d’autre part un mode opératoire pour personnaliser son référentiel et piloter puis auditer les règles d’archivage et de conservation.
J.D. – La méthode Arcateg™ existe depuis plusieurs années déjà, et les moyens privilégiés jusqu’ici pour promouvoir ses concepts prenaient plutôt la forme de conférences ou de formations. Quel est l’objectif visé ici par cette première publication?
M-A.C. – J’ai construit la méthode pas à pas depuis 2003, tant à partir de mes réflexions théoriques qu’à partir de mes expériences de terrain (dans près de 80 organisations différentes). Le référentiel Arcateg™ tel qu’il se présente aujourd’hui remonte à 2015. Après trois ans de « rodage » et de vérifications, j’ai estimé qu’il était arrivé à maturation et j’ai décidé de partager le modèle avec le plus grand nombre, sous la forme d’un livre. Du reste, le livre ne dévoile que le socle de la méthode, lequel socle permet de mener un projet simple et surtout de comprendre une nouvelle approche de la question que j’aime qualifier de « révolutionnaire » car on n’attribue plus des durées aux documents, mais des documents aux durées contextualisées. Il existe des développements méthodologiques d’Arcateg™ pour des projets plus détaillés ou plus ambitieux. Et nous travaillons sans cesse (mon cabinet Archive17 et ses partenaires) à améliorer et fluidifier les projets Arcateg™.
J.D. – La méthode Arcateg™ vise l’universalité. Est-ce dire qu’elle est sensée s’adapter aisément à toutes les entreprises, peu importe la situation géographique, le cadre législatif, le domaine d’affaires?
M-A.C. – Oui, c’est exactement cela. Le modèle a été pensé pour s’appliquer à toute organisation, quelles que soient sa taille, sa zone géographique, ses activités, son histoire. Il s’appuie à la fois sur la démarche qualité bien connue (ISO-9001) et sur mes connaissances en diplomatique et en linguistique, dans un certain montage qui est un peu mon secret de fabrication.
J.D. – Arcateg™ propose 100 catégories et 20 domaines de risque. Comment en êtes-vous venu à ce chiffre? Est-il possible d’en ajouter ou d’en retirer, selon le contexte local? À quel point ce modèle est-il flexible?
M-A.C. – Mes analyses avaient débouché sur une centaine de catégories de conservation. J’ai décidé de retenir un chiffre rond. De la même façon, les agrégations de catégories ont conduit à la définition de 20 domaines (5 pour le management, 10 pour le métier, 5 pour les supports). Ce cadre est très rigoureux; le respect de la méthode interdit d’ajouter des domaines ou des catégories; ce serait démolir l’équilibre général de la codification et, disons-le, renier l’intérêt de la méthode. Mais tous les domaines et toutes les catégories ne sont pas pertinentes pour tout le monde. Aucune organisation, à ma connaissance, n’utilise les 100 catégories. En revanche, le côté très souple de la méthode tient dans la reformulation des intitulés de catégories et de domaines, dans le respect des thématiques, afin que le schéma des domaines d’une entreprise constitue pour le lecteur le « portrait-robot » de cette entreprise.
J.D. – Vous insistez fréquemment (notamment dans un entretien ici) sur l’idée que cette méthode est plus qu’un simple manuel de recommandations pratiques; elle est plutôt « une philosophie de l’information », une « vision de la gouvernance de l’information ». Par rapport aux pratiques actuelles, Arcateg™ incite à revoir l’ensemble des pratiques archivistiques. Par son programme d’envergure, elle nécessite beaucoup d’audace de la part d’un service d’archive en entreprise. Ne risque-t-elle pas d’en inquiéter certains?
M-A.C. – L’innovation inquiète toujours ceux qui n’en ressentent pas le besoin… Je mise sur le fait que ceux qui ne parviennent pas, après des années d’efforts, ni à maîtriser la masse d’informations à gérer ni à constituer une mémoire juridique ou historique exhaustive et représentative peuvent être intéressés par une méthode innovante.
Pour vous faire une confidence, dans les années 1990 (j’avais déjà dix ans d’expérience) je me faisais la réflexion que ce n’était pas très drôle de faire face à des masses d’archives toujours plus volumineuses et à des tris toujours plus fastidieux et aléatoires quand ils sont pratiqués après coup. C’était comme courir derrière un train sans espoir de le rattraper… Je me suis alors fixé comme objectif de conduire la locomotive! Le développement ultérieur d’Arcateg™ trouve là ses racines.
J.D. – La méthode part du principe suivant : gérer l’information d’entreprise dès sa naissance est bien moins couteux, mais aussi moins risqué, que de tenter de le faire a posteriori. Je crois pouvoir affirmer que ce principe essentiel est largement admis dans la communauté archivistique. Le problème est qu’il l’est moins au niveau des décideurs en entreprise. Avez-vous des conseils à ce sujet? Est-ce que la méthode tient compte des nombreuses barrières face à sa propre applicabilité sur le terrain?
M-A.C. – Il y a souvent loin du principe à son application… Je connais mal la situation au Québec dans ce domaine, mais je peux affirmer qu’en France, la réalité de terrain est largement éloignée de la théorie de prise en charge du cycle de vie de l’information engageante (à risque) dès sa création. Pour ce qui me concerne, je ne dirais pas que c’est un problème limité aux décideurs. C’est plutôt une question de complexité globale et de manque de clarté des enjeux. Je dirais, pour rebondir sur la partie théorique de mon livre, qu’il y a un déséquilibre dommageable entre d’un côté les questions d’accès à l’information qui ont toutes les priorités et les responsabilités attachées à la gestion des documents dans la durée qui sont négligées ou différées. En tout cas, je constate le plus souvent que la règle n’accompagne pas la création de l’information et que, dans la majorité des organisations, on attend de ne plus avoir besoin des documents pour se poser la question de leur conservation… ce qui est encore plus problématique et plus coûteux avec le numérique qu’avec le papier. Le choix d’Arcateg™, pour améliorer cette situation, est de simplifier et de codifier les choses, à partir de cette même exigence de prise en charge dès la création.
J.D. – Dans votre livre, vous décrivez en 5 étapes détaillées la mise en œuvre concrète de la méthode. Vous analysez également, à titre d’exemple, le cas de l’entreprise Getacra. À ce jour, est-ce que la méthode a été implantée, ou est en cours d’implantation, dans beaucoup d’entreprises?
M-A.C. – La méthode Arcateg™, sous ses différentes formes depuis 2003, a déjà été utilisée par une trentaine d’entreprises, avec des périmètres divers: politique d’archivage managérial, référentiel de conservation ou plan de classement associés, transposition dans l’outil de gestion des archives. De ce point de vue, l’agilité de l’outil canadien de gouvernance de l’information C3 permet d’aller plus loin. C3 considère, à juste titre, la règle de conservation comme une des facettes d’un document. Dans un projet de gouvernance de l’information, je pose le principe que la valeur de l’information dans la durée (portée par la catégorie Arcateg™) est la facette n°1. C3 a intégré le référentiel de conservation standard d’Arcateg™ dans son modèle, ce qui permet d’être opérationnel très vite.
J.D. – Le 28 novembre prochain, vous donnerez une conférence à Montréal afin de présenter votre méthode et votre livre. À quoi peut-on nous attendre?
M-A.C. – Ce sera une matinée de présentation, à la fois de la philosophie Arcateg™ et de son fonctionnement avec le logiciel C3, et d’échanges avec les participants. La conférence se tiendra à la Grande Bibliothèque de Montréal, 475 Boul de Maisonneuve E. L’entrée est libre dans la limite des places disponibles, mais il faut s’inscrire. Par ailleurs, les participants pourront acheter mon livre sur place (paiement par virement ou par chèque), mais il est conseillé de le commander. J’aurai plaisir à dédicacer mon livre à la fin de la matinée. Inscription et commande à cette adresse: contact@Arcateg.fr. *Voir les détails complet ci-dessous.
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Pour en savoir plus :
À propos d’Arcateg : http://www.arcateg.fr/
À propos du livre et de l’éditeur : Vous pouvez vous procurer le livre sur le site de l’éditeur.
Pour un aperçu du livre : Retrouvez l’introduction ici.
À propos de Marie-Anne Chabin : Marie-Anne Chabin est une figure très connue du milieu archivistique francophone. Elle a rédigé ou collaboré a plusieurs ouvrages et articles majeurs, dont Je pense, donc j’archive (disponible gratuitement en intégralité ici). Vous pouvez également consulter sa bibliographie complète ici.
Marie-Anne Chabin est professeur associé à l’université de Paris8 dans le master « Gestion stratégique de l’information ». Elle a aussi enseigné la gestion de l’archive (records management, archivage managérial) et la diplomatique numérique à titre de professeur associé au CNAM (Conservatoire national des Arts et Métiers) de 2008 à 2014. Elle a fondé en 2000 le cabinet Archive 17.
Vous pouvez suivre l’ensemble de ses billets sur les deux blogues qu’elle dirige : Transarchivistique et Le blogue de Marie-Anne Chabin.
Détails de la conférence du 28 novembre 2018:
Quoi : La méthode Arcateg et son fonctionnement avec le logiciel C3
Quand : le 28 novembre 2018, de 8h30 à 12h.
Où : A la Grande Bibliothèque de Montréal, 475 Boul de Maisonneuve E.
Description :
- Conférence animée par Marie-Anne Chabin, pour Arcateg, et Yves Marleau pour C3.
- L’entrée est libre dans la limite des places disponibles.
- L’inscription est obligatoire.
- Les participants pourront acheter sur place le livre de Marie-Anne Chabin, Des documents d’archives aux traces numériques. Identifier et conserver ce qui engage l’entreprise – La méthode Arcateg™, éditions KLOG. Le livre sera vendu au prix, tout à fait exceptionnel pour l’occasion, de 35 CAN$ (paiement par virement ou par chèque).
- Pour ceux qui le désirent, Marie-Anne Chabin dédicacera son ouvrage.
- Les inscriptions à la conférence et commandes de livres sont ouvertes. Envoyer un courriel d’inscription à contact@arcateg.fr en indiquant: nom, prénom, adresse électronique, commande du livre ou non, mode de paiement retenu.
- !!! Pour des raisons logistiques, les commandes de livre ne seront prises en compte que pour les participants inscrits avant le 10 novembre.