Sur la route des archives QC est une toute nouvelle série de billets à saveur estivale, une sorte de «road trip» d’archiviste. Tout au long de cette série, nous parcourons le Québec à la recherche de ses archives locales. Ces petits centres et sociétés historiques sont souvent des perles rares et on peut y trouver de nombreux documents sur l’histoire de leurs quartier, village, ville, région, entreprises locales ou familles influentes. Chose certaine, de belles découvertes vous attendent à chaque arrêt! En ces temps de confinement et de restrictions de déplacement, un peu d’air frais virtuel fera le plus grand des biens 🙂 Faites bonne route!
Nous nous arrêtons cette semaine à Longueuil pour découvrir la Société historique du Marigot, qui a pour mandat de conserver et valoriser le patrimoine témoignant de l’histoire de Longueuil et de ses environs.
Nos remerciements vont à M. Alexandre Dubé, administrateur à la Société historique et culturelle du Marigot, pour avoir généreusement répondu à nos questions. Merci également à Mme Louise Levac, Directrice générale, pour sa précieuse collaboration.
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J.D. – Pouvez-vous nous en dire davantage sur l’historique de votre organisme: sur sa fondation, sur les grands moments de son évolution?
A.D. – La Société historique et culturelle du Marigot a été fondée en 1978 par Charles-Édouard Millette, qui, par ailleurs, est un acteur-clé de la fondation de la Société d’histoire de Longueuil, notre partenaire pour faire connaître l’histoire locale. Le but de l’association, dès le départ, était ambitieux : recherche historique, constitution de fonds d’archives, de collections généalogiques, archéologiques, intérêt envers le patrimoine sous toutes ses formes, diffusion du savoir… ou, comme les fondateurs l’avaient écrit avec la prose emphatique de l’époque dans les lettres patentes de l’organisme : « établir la vérité historique dans toute sa pureté, par la recherche et la publication épars dans les divers services d’archives du pays et de l’étranger »! Toutes les périodes intéressaient les fondateurs, pourvu que l’on puisse mettre en valeur le patrimoine longueuillois.

À gauche, photographie 19654, « Édifice du bureau d’enregistrement », c. 1920-1930, collection Édouard Millette; à droite, photographie du siège social de la Société historique et culturelle du Marigot, 440 chemin Chambly, Longueuil, 2018 (photographie prise par Alexandre Dubé en mai 2018)
Cet intérêt porté sur le passé n’empêche pas la Société historique et culturelle du Marigot d’avoir une approche résolument moderne. En effet, elle se distingue à cet égard de bien d’autres sociétés d’histoire comparables en se dotant, dès 1996, d’un site Web offrant de multiples outils de recherche, dont certains sont toujours accessibles par l’onglet « Documentation » de notre site Web. On y trouve des sujets datant des débuts de Longueuil comme des plus contemporains. Fait novateur de l’époque : la Société historique et culturelle du Marigot développe des modélisations 3D, accessibles en ligne. Tout cela peut sembler banal en 2020, mais il suffit de se souvenir qu’Internet n’a été accessible au grand public qu’en 1995 pour constater à quel point cela était audacieux.
La Société historique et culturelle du Marigot a aussi travaillé à rédiger ou carrément publier plusieurs ouvrages sur l’histoire de Longueuil, dont plusieurs font encore autorité en histoire régionale. Parmi eux, il y a l’histoire du R-100, l’Atlas historique de Longueuil, Longueuil 1657-2007, une histoire de Ville Jacques-Cartier, de Brossard, de la Chambre de commerce, de l’important maire Marcel Robidas, et bien d’autres. Parallèlement, le Marigot a contribué à de nombreuses initiatives de promotion du patrimoine. Parmi elles, notons la réalisation de plaques didactiques qui retracent l’histoire du site du patrimoine du Vieux-Longueuil et une partie de celles du chemin de Chambly, ou encore la création d’un parc en l’honneur de Charles Le Moyne, fondateur de Longueuil.
Si les années 1990 et 2000 ont été prolifiques en production historique, c’est que la Société historique et culturelle du Marigot acquérait de nombreux et grands fonds d’archives sous l’impulsion de son président de l’époque, Michel Pratt, lui-même un historien fort prolifique. Sans compter qu’en 2008, elle s’agrandit lors de la fusion avec la Société d’histoire de Saint-Hubert et avec l’acquisition des fonds et collections de cette dernière. Avec le changement de direction en 2015, alors que Louise Levac prenait les fonctions – qu’elle occupe toujours – de présidente directrice générale, la Société historique et culturelle du Marigot assistait à un grand effort de professionnalisation de ses archives, afin d’en améliorer l’état de conservation, d’en faire l’inventaire général, ainsi que de les traiter selon les normes archivistiques. D’autres projets importants, en particulier celui visant à souligner en 2022 les 75 ans de fondation de Ville Jacques-Cartier – et entretemps, de faire connaître l’histoire singulière de cette banlieue ouvrière qui a couvert une partie importante du territoire de Longueuil tel qu’on le connaît aujourd’hui –, sont l’occasion d’acquérir de nouvelles archives, d’organiser des événements citoyens, et de produire de nouvelles ressources documentaires destinées au grand public.
Aujourd’hui, la Société historique et culturelle du Marigot est une institution du grand Longueuil incontournable sur le plan historique et culturel, elle s’implique au sein de la Fédération Histoire Québec, elle propose des conférences dans une approche intergénérationnelle, des activités sur la patronymie internationale qui permettent d’en apprendre davantage sur la contribution de divers groupes culturels à l’histoire de la Rive-Sud de Montréal et elle offre son expertise à la municipalité, ou à des institutions publiques ainsi que privées pour des questions de toponymie, entre autres.
J.D. – Quel est votre mandat?
A.D. – La Société historique et culturelle du Marigot est une organisation à but non lucratif qui s’est donné pour but de diffuser l’histoire locale et régionale de Longueuil, notamment celles de Greenfield Park, Saint-Hubert, Lemoyne, Montréal-Sud et Ville Jacques-Cartier, en sus du Vieux-Longueuil.
Pour ce faire – en plus des activités mentionnées précédemment –, elle constitue des collections de documents de nature archivistique qu’elle met à la disposition de chercheurs en plus de diverses ressources documentaires. Elle organise des événements en tout genre propres à faire connaître et rayonner l’histoire de Longueuil et des environs, et appuie des organismes dans le secteur patrimonial qui partagent les mêmes ambitions qu’elle. Notons qu’elle s’intéresse tout autant au patrimoine bâti, naturel ou immatériel.
Il est important de souligner que la Société historique et culturelle du Marigot inscrit son action dans une perspective de complémentarité avec les organismes partageant des objectifs communs aux siens. De la sorte, elle peut surtout se concentrer sur la période moderne, sur laquelle elle concentre la majorité de ses activités, et mettre en valeur les domaines dans lesquels elle a développé une expertise qui lui est unique, comme l’histoire et la géographie humaine des banlieues, ou encore les techniques d’histoire orale et de mise en valeur du témoignage de citoyens.
J.D. – Que retrouve-t-on dans vos fonds ? (régions, thèmes, entreprises, grandes familles, types de support, types de document, etc.)
A.D. – La Société historique et culturelle du Marigot a une trentaine de fonds et cinq collections. L’inventaire général de nos fonds, auquel notre archiviste Marcela Aranguiz travaille entre plusieurs projets de traitement, n’est pas encore complété, d’où ce nombre approximatif. On parle de plus de 26 mètres d’archives textuelles, de plus de quelque 10 000 documents iconographiques – dont des photographies sur verre, sur fer, et même des daguerréotypes –, d’une centaine de bobines de film, VHS, disques 33 tours, rubans magnétiques, ainsi qu’enregistrements numériques, de nombreuses cartes, la plupart traitées à la pièce, des dessins techniques et architecturaux, plusieurs objets, comme des médailles, des artéfacts liés à l’industrie aéronautique et spatiale, à l’engagement communautaire ou civique, ainsi que des centaines de microfilms, dont les archives du journal local de Longueuil, le Courrier du Sud. Les fonds et collections portent surtout sur la fin XIXe et le XXe siècle.

Daguerréotype, collection de la Société historique et culturelle du Marigot. Cette collection comprend plusieurs documents sur supports anciens, comme des ferrotypes ainsi que des ambrotypes.
La Société historique et culturelle du Marigot possède deux fonds majeurs de la vie politique longueuilloise, soit ceux des maires Paul Pratt et Marcel Robidas, deux figures marquantes de l’histoire moderne de la ville. Dans la même veine, elle a aussi le fonds du Parti municipal de Longueuil. La Société historique et culturelle du Marigot possède aussi des fonds et collections portant sur la vie communautaire et sociale de Longueuil, comme les fonds de la Société Saint-Jean-Baptiste de Longueuil, de la Troupe des Scouts catholiques de Saint-Antoine de Longueuil, ou encore du Longueuil Boating Club / Club nautique de Longueuil.
La Société historique et culturelle du Marigot possède des fonds de villes faisant partie de l’agglomération de Longueuil, comme de Brossard (fonds de l’Union des familles de Brossard). Aussi, comme mentionné plus haut, la Société d’histoire de Saint-Hubert ayant fusionné avec le Marigot, c’est cette dernière qui a pris en charge les fonds et collections de la première.
En plus de tout cela, le Marigot a hérité d’une grande quantité d’archives et de pièces de collection de l’ancien Musée de l’Électricité de Gaston Labadie, un chroniqueur du Courrier du Sud mordu des technologies de l’époque. Ce musée, de 1976 à 1982, avait pignon sur rue dans l’ancien bureau d’enregistrement sur le chemin Chambly, dans lequel allait emménager, en 1983, la Société historique et culturelle du Marigot – qui y est toujours trente-sept ans plus tard. Certains éléments de cette collection sont en cours de traitement par notre archiviste dans le cadre d’un projet subventionné par Bibliothèque et Archives nationales du Québec.
Pour l’instant, seules la description du Fonds Marcel Robidas ainsi qu’une petite partie de la Collection Ville Jacques-Cartier sont décrites sur le site du RDAQ. Nous espérons mettre à jour nos descriptions aussitôt que possible, cela dépendant du financement obtenu par le biais de projets. Il faut le dire, la Société historique et culturelle du Marigot ne dispose d’aucun financement récurrent pour son fonctionnement, et dépend ainsi de subventions gagnées pour des projets spécifiques pour garder son archiviste à son emploi.

Diapositives du Festival d’été de Longueuil 1973 ainsi que de l’Automne Show, photographiées lors de leur traitement en 2018 grâce au programme de soutien au traitement des archives de Bibliothèque et Archives nationales du Québec. De gauche à droite : Louise Forestier, 18 août 1973 (2FP00114); Robert Charlebois, 20 août 1973 (2FP00096); Claude Dubois, 20 août 1973 (2FP00097); Jean-Pierre Ferland, 17 août 1973 (2FP00098); Claude Dubois, 12 août 1973 (2FP00120).
J.D. – Quels services sont offerts ? (soutien à la recherche, outils pédagogiques, animation en bibliothèque, etc.)
A.D. – La Société historique et culturelle du Marigot a un centre de documentation qui contient quelques milliers de titres et qui est ouvert à ses membres. Elle offre du soutien à la recherche, conditionnel à la disponibilité du personnel, et, ayant la garde des archives du journal le Courrier du Sud, y fait des recherches et aide les citoyens à s’y retrouver, un service tarifé.
La Société historique et culturelle du Marigot organise également des activités ponctuées de lecture d’extraits de textes, des événements commémoratifs originaux, des conférences permettant de faire des liens avec les communautés culturelles de la Rive-Sud et des visites animées théâtrales. Parmi ces dernières, il y a notamment un circuit historique auquel participe un comédien.
La Société historique et culturelle du Marigot présente à coûts très modiques des conférences variées tant sur le plan de l’approche que des sujets. Ainsi, une série d’activités portant sur la patronymie – dont la première, en 2017, s’intéressait aux noms d’origine hispanique de Longueuil – côtoient des conférences aux sujets colorés. Pour en donner un aperçu, mentionnons ces quelques titres : Pelles et scalpels : vols de cadavres et enseignement anatomique dans le Québec du XIXe siècle; Révéler l’indicible : scandales et homosexualité dans la presse québécoise (1869-1910) ou encore Les journalismes « au féminin » : esquisse historique de l’expérience des femmes dans la profession journalistique au Québec (1900-1980). Récemment, elle a aussi présenté des conférences sur les 350 ans du Chemin de Chambly, a parlé de Ville Jacques-Cartier à travers Nègres blancs d’Amérique, a discuté du mouvement étudiant québécois en 1968, de l’expérience des soldats canadiens-français durant la Première Guerre mondiale, du corps des femmes vu à travers l’histoire de la publicité des médicaments, du fonctionnement d’un hôpital militaire en Nouvelle-France, et bien d’autres qui n’attendent que vous les découvriez.
Il faut souligner au passage que la Société historique et culturelle du Marigot accorde une grande importance à l’approche intergénérationnelle, et ainsi veille à offrir le lutrin tantôt à de jeunes diplômés, tantôt à des experts plus reconnus.
J.D. – Pourquoi devons-nous ABSOLUMENT venir vous visiter? (ce qui vous est unique)
A.D. – Nos conférences! D’accord, la plupart des sociétés d’histoire offrent des conférences; mais organisent-elles deux fois par an un grand événement où la scène est partagée par le conférencier et par un comédien?
Nos activités! La Société historique et culturelle du Marigot propose une pléthore d’activités culturelles, citoyennes et historiques. Regardez notre programmation sur notre site Web! *Évidemment, la pandémie commande quelques ajustements, alors vous pouvez aussi nous suivre sur notre page Facebook pour suivre les développements les plus récents.
Mais ce qui est sans nul doute le plus unique à la Société historique et culturelle du Marigot, ce sont ses « projets phares », deux immenses projets structurants étalés sur de nombreuses années. En effet, depuis 2017, la Société historique et culturelle du Marigot mène ces deux projets qui la distinguent des autres sociétés historiques qui, comme elle, n’ont pas de service d’archives subventionné. Elle a choisi de professionnaliser la gestion de ses archives, tant sur le plan de l’acquisition, du traitement selon les normes archivistiques, et de l’amélioration des conditions de conservation des documents. Il s’agit d’un gigantesque chantier sur plusieurs années, ce qui pourra servir d’exemple à d’autres sociétés historiques et – qui sait? – faire boule de neige dans la communauté longueuilloise. Parallèlement, elle mène une démarche originale d’histoire orale au sujet d’une ancienne municipalité ouvrière, Ville Jacques-Cartier (1947-1969), un projet qui se déroule également sur plusieurs années. Ce second projet génère de nouvelles archives, dont beaucoup de témoignages enregistrés, ce qui pose des défis particuliers en ce qui a trait à la conservation à long terme, ainsi que pour la diffusion. Ce projet arrive à sa conclusion en 2022; d’ici là, je vous invite à suivre notre actualité à ce propos sur nos médias sociaux.
Oh! Ai-je oublié de vous dire que notre équipe est exceptionnelle? Notre coordonnatrice et notre archiviste ont particulièrement hâte de vous le prouver lorsque vous nous visiterez (enfin, lorsque ce sera sécuritaire de le faire en personne!) À bientôt!
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Pour en savoir plus :
Site officiel : http://marigot.ca/
Coordonnées : 440, chemin de Chambly, Longueuil (Qc) J4H 3L7 – 450 677-4573 – shm@marigot.ca
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