Par le Comité AAQ – région Montréal
Le 27 octobre dernier, une table ronde virtuelle portant sur le calendrier de conservation nous a permis de connaître les opinions et expériences des trois conférenciers invités. Alors que Nathalie Denis attend avec impatience l’arrivée d’une cure de jeunesse pour la forme et le fond du calendrier, Frédéric David entrevoit plutôt cet outil comme la pierre d’assise permettant une bonne gestion documentaire. Enfin, Marc-André Godbout, d’accord avec ces derniers, est conscient que l’outil joue un rôle de premier plan dans la gestion de l’information et qu’il est nécessaire de le faire évoluer pour répondre aux nouveaux besoins du 21e siècle.
Durant la table ronde, organisée par le comité de la région Montréal de l’Association, les trois conférenciers ont discuté de la conception, de l’application et de la diffusion du calendrier de conservation des documents ainsi que de la formation des employés. Voici ci-dessous quelques questions posées aux invités lors de la soirée.
Quelle est la meilleure façon de concevoir un calendrier de conservation ?
Concevoir un premier calendrier est une activité qui doit être adaptée à la situation dans laquelle l’archiviste se trouve. En effet, il y a des points à ne pas négliger pour assurer la réussite du processus.
Dans un premier temps, comme le mentionne Nathalie Denis, il faut comprendre l’échéancier devant lequel on se retrouve ; par exemple, est-il urgent d’implanter des règles de conservation dans un organisme ou une unité administrative ? Si oui, il est possible de passer directement à l’élaboration des règles afin d’accélérer le processus dans la mesure où l’archiviste a une bonne connaissance des activités de l’organisme et des documents en question.
Il est essentiel pour l’archiviste de bien se renseigner sur les activités de l’organisation, sur le cadre législatif et sur la nature des documents qui y circulent. Ceci facilite les discussions portant sur les règles de conservation et démontre la crédibilité du professionnel de l’information auprès de ses collègues. Il est donc conseillé de consulter des calendriers de conservation et des plans de classification d’organismes semblables au préalable.
Pour les séries administratives, il est plus évident de concevoir des propositions de règles avant les discussions avec l’organisme, comme elles sont quasiment similaires d’un milieu à l’autre. Toutefois, il est sage d’écouter les unités concernées lors de la conception des règles pour les séries d’exploitation, tout en s’assurant que les critères invoqués soient le plus objectifs possible. Comme le mentionne Frédéric David, collaborer avec les équipes d’affaires nous permet de nous assurer qu’on n’a rien oublié lors de l’élaboration des règles, le but étant toujours d’obtenir des règles qui correspondent à la réalité du terrain.
Toutefois, il faut savoir distinguer les demandes de type émotives de celles qui sont nécessaires, à savoir éviter les situations où il faut « conserver, car c’est important pour moi ! ».
Le cadre légal est également un point prioriser lors de la réflexion autour des règles de conservation. Comme le souligne Marc-André Godbout, un avis juridique peut nécessiter la modification d’une règle, c’est pourquoi il ne faut pas hésiter à consulter les intervenants nécessaires.
Les trois conférenciers s’entendent sur la rédaction des règles de conservation en ce qui a trait aux processus de travail des unités dans l’optique de cibler un grand volume de documents par règle. Il est d’ailleurs plus aisé pour les utilisateurs de s’y retrouver lorsque c’est le cas. En ce qui concerne la création de règles par type de document, il est avisé d’en constituer le moins possible, sauf pour certaines exceptions comme les contrats.
Quelle forme devrait prendre le calendrier lorsqu’il doit être diffusé et consulté par des gens qui ne sont pas des professionnels de la gestion de l’information ?
Les trois conférenciers s’entendent sur la simplicité de la présentation des règles pour les non-initiés de la gestion documentaire. La simplification du vocabulaire archivistique, pouvant être aride, facilite une compréhension de tous.
Il est également important de prioriser l’accès aux informations de la règle dont les usagers ont réellement besoin. Le reste de l’information peut être ensuite présentée grâce à un clic qui mène à une fiche plus détaillée.
Nathalie Denis spécifie, pour sa part, que l’élaboration d’un seul outil de référence rassemblant toute l’information de la gestion documentaire est une façon idéale d’accommoder les usagers. À la Division de la gestion de documents et des archives (DGDA) de l’Université de Montréal, le calendrier de conservation ainsi que le plan de classification sont intégrés au répertoire Les règles de gestion des documents.
Quels sont les éléments fondamentaux à aborder lors d’une formation sur le calendrier de conservation ?
Tous s’entendent sur le fait qu’avant d’aborder le calendrier de conservation avec les unités administratives, il est souhaitable d’avoir déjà formé les usagers aux bonnes pratiques de gestion documentaire, par exemple le la politique de nommage des documents, le plan de classification, les enjeux concernant les espaces d’entreposage et le calendrier de conservation.
Bien que les formations de gestion documentaire soient nécessaires, ce n’est pas suffisant pour répondre aux besoins des utilisateurs. Plusieurs autres façons de rejoindre les membres du personnel ont été présentées telles que les formations sur les outils de gestion électronique des documents, l’offre d’une ligne ouverte aux utilisateurs, du soutien aux unités en tout temps et l’assignation du rôle de champions à certains employés. Ces derniers seront les premiers répondants lorsque les membres de leur équipe auront des questions portant sur la gestion documentaire et ils pourront relayer les commentaires reçus à l’équipe de gestion documentaire.
Lors d’une rencontre portant sur la création ou la modification de règles de conservation, les conférenciers mentionnent qu’il est important de commencer par définir certaines notions importantes tels les concepts de « déclencheurs » ainsi que de « détenteur principal ou secondaire ». Par la suite, on renseigne l’employé sur les particularités de certaines règles qui le concernent.
Les conférenciers constatent également que l’enjeu de la protection des renseignements personnels devient un passage obligé lors de la rencontre portant sur le calendrier de conservation des documents. Finalement, les invités concluent que l’important est de responsabiliser les employés à la gestion documentaire pour aborder plus facilement les règles de conservation.
Par ailleurs, plus l’intérêt pour les bonnes pratiques de gestion documentaire et les consignes proviennent du haut de la hiérarchie de l’organisation, plus celles-ci auront une portée importante.
Quelles pratiques avez-vous mises en place au sein de vos organisations pour la gestion des différents stades de vie des documents électroniques ?
Sur cette question, il semble que François David et Marc-André Godbout, qui représentent un organisme privé (Mouvement Desjardins) et un organisme pouvant être considéré semi-privé et semi-public (Ordre des infirmières et infirmiers du Québec), ont plus de latitude dans la gestion des stades de vie des documents.
Ces derniers procèdent la majorité du temps à la fusion du stade actif et semi-actif. On fait référence à cette première phase par le terme « durée » pour l’un et « délais » pour l’autre. Le stade inactif est quant à lui présenté comme un « sort final » ou bien une « disposition finale ».
Bien qu’à l’UdeM le mode semi-actif n’est pas concrètement appliqué, celui-ci demeure présent dans les règles de gestion afin que la Loi sur les archives soit respectée.
Comment et sous quelle forme documentez-vous les modifications et l’évolution de vos règles de conservation ?
La nécessité de bien documenter l’évolution des règles de conservation a fait l’unanimité auprès des invités de la table ronde.
Plusieurs façons de documenter ont été mentionnées, entre autres, la conservation de fiches ou d’un dossier par règle comportant toutes les modifications des années antérieures incluant les approbations et avis juridiques. La mise à jour des modifications est également effectuée grâce à divers outils tels qu’une base de données, un registre Excel ou bien des listes SharePoint.
La conservation des spécimens de documents dans les dossiers par règle est toujours en cours dans certaines organisations, mais tous s’entendent qu’il vaut mieux réduire leur nombre vu la gestion que cela implique.
Une autre étape importante est la mise à jour des modifications dans le système de GED (gestion électronique des documents) en place au sein de l’organisation dont la mention de l’approbation de BAnQ pour les organismes publics.
Questions diverses ?
D’autres thèmes en lien avec le calendrier de conservation ont également été discutés lors de cette table ronde, dont les défis évidents apportés par l’automatisation de la destruction des documents, une pratique qui génère une grande résistance chez les professionnels de l’information.
La gestion des données structurées telles que celles contenues dans les bases de données a également suscité un échange intéressant entre les conférenciers qui abordent progressivement ce nouvel enjeu.
Frédéric David a également parlé d’un concept de territorialité qui s’applique au calendrier de son organisation pancanadienne. Effectivement, les règles doivent être élaborées en fonction des exigences légales de tous les territoires où elles prennent effet.
En conclusion
Malgré les milieux différents dans lesquels les trois conférenciers œuvrent, ceux-ci ont exprimé une vision vraisemblablement homogène concernant la création, l’évolution et la diffusion des règles de conservation. On constate que la formation aux règles de conservation fait également partie d’un programme de gestion documentaire beaucoup plus vaste que le calendrier de conservation. La pratique étant en changement, notamment avec l’arrivée massive des documents numériques, celle-ci génère des discussions nécessaires à la validation de nos méthodes de travail et à l’amélioration de nos processus respectifs, tous milieux confondus.
Nous souhaitons remercier les trois conférenciers pour leurs judicieux conseils, Cynthia Viau-Mainville pour l’animation de l’activité ainsi que tous les participants présents pour l’enrichissement de la discussion par leurs questions.
L’enregistrement de l’activité table ronde est disponible pour les membres de l’Association des Archivistes du Québec. Pour y accéder, veuillez cliquer ici.

CC BY 2.0 SOURCE