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La gestion documentaire des archives historiques d’une multinationale par un organisme à but non lucratif, une collaboration hors du commun

Dans le cadre du projet Reporteurs étudiants 2018, nos reporteurs ont eu, entre autres, à rédiger des comptes rendus de conférences. Ce compte rendu a été rédigé par Léandre Alain.

Conférence : La gestion documentaire des archives historiques d’une multinationale par un organisme à but non lucratif, une collaboration hors du commun!

Conférenciers : Raphaël Bourgeois, fondation J. Armand Bombardier

L’utilisation des archives dans le monde privé n’est pas chose nouvelle. Les entreprises sont conscientes qu’une saine gestion de leurs documents, combinée à une expertise archivistique sans équivoque, peut porter fruit à leur organisation. Que ce soit au niveau d’un perfectionnement de processus, ou d’une rentabilisation de l’espace, la gestion documentaire permet de mettre de l’ordre. Cependant, pour diverses raisons, souvent économiques, peu de mesures sont mises en place. Les archives historiques sont donc placées à la toute fin des considérations prioritaires, sous le voile de l’indifférence. On privilégie alors le concret, et ce qui peut avoir un impact immédiat sur la croissance organisationnelle. Par contre, cela ne signifie pas qu’aucune démarche n’est soulevée par les entreprises pour améliorer la gestion de leurs documents.

Raphaël Bourgeois, Fondation J. Armand Bombardier, 47e congrès de l’AAQ.

Le cas de Bombardier démontre bien cette logique d’une entreprise consciente et éveillée à l’égard de ses archives. Durant la conférence de Raphaël Bourgeois, nous avons saisi le degré d’importance qu’accorde la multinationale à la gestion de ses documents, qui se développe progressivement selon les projets mis en place. Cette gestion est un exemple particulier, puisque l’entreprise mise sur une tierce partie pour ainsi gérer et promouvoir ses archives historiques. Effectivement, les archives de l’organisation sont gérées par la Fondation J. Armand Bombardier, qui s’occupe elle-même d’appliquer les normes et fonctions archivistiques à l’intérieur du Musée de l’Ingéniosité. Le service d’archives, créé en 1990, rassemble maintenant plus de 3000 boîtes, sept fonds d’archives distincts, plus de 5000 dessins techniques, et plusieurs autres documents.

La conférence avait donc pour but d’éclaircir un constat précis : comment un tel projet de collaboration, entre un centre d’archives et une multinationale privée, peut fonctionner? Dans le cas des archives du musée, il s’agissait bien plus qu’un simple projet de versement de documents entre deux institutions.

Les projets, et les défis

La première intention de collaboration a été de mettre au point une base de données commune, afin de faciliter le partage et le repérage des documents. Cette base de données répertorie aujourd’hui l’ensemble des fonds d’archives conservés par le Musée de l’Ingéniosité J. Armand Bombardier, et offre un accès direct à plus de quatre cents documents numérisés, dont des brevets et des publications de l’inventeur. Suite à la création de cette base de données, le service d’archives du musée a pu procéder au réaménagement de l’espace de conservation, puis faire de l’ordre en vue d’une numérisation de masse. Cette dernière, enfin, fut le fer de lance de l’organisation, puisque le projet a permis de numériser l’ensemble des archives audiovisuelles de Bombardier.

Malgré l’aspect profondément pratique de cette collaboration, certains défis devaient toutefois être relevés. Le premier d’entre eux était le volet de la communication. Car le centre d’archives devait s’assurer que la gestion s’effectue à la fois pour Bombardier, et pour l’entreprise BRP (Bombardier Recreational Products), deux entités tout à fait différentes. Ce sont deux importantes institutions, ayant chacune des effectifs considérables et des besoins particuliers. Aussi, la collaboration dans un tel projet devait prendre en compte le roulement de personnel. La réalité amène parfois les entreprises à changer fréquemment les équipes, et Bombardier n’est pas un cas à part. Ce roulement de personnel, bien que nécessaire, a comme effet que peu de gens connaissent le musée et les archives. La formation et la conscientisation vis-à-vis l’importance d’une gestion archivistique sont donc des préoccupations récurrentes. Un troisième défi était l’aspect légal qu’une telle gestion documentaire peut engendrer. En effet, la plupart des documents conservés par le service d’archives sont sujets à la législation du droit d’auteur. Un plan stratégique a donc dû être mis en place dans cette optique. L’ensemble de ces considérations, au final, a causé des délais importants, ralentissant de ce fait le déploiement et l’achèvement des projets initiaux.

 

Ce vidéo promotionnel, réalisé par la fondation dans le cadre du 75e anniversaire de Bombardier, a été accueilli avec  enthousiasme, tant chez Bombardier que dans le milieu archivistique. 

Le mutualisme institutionnel, les avantages pour chacun

Cependant, la collaboration entre les deux institutions a eu des avantages considérables pour les deux partis. Raphaël Bourgeois parle alors d’une situation « gagnant-gagnant ». Le terme est bien choisi, car c’est effectivement l’ampleur de ce mutualisme institutionnel qui permet d’atteindre un niveau d’efficacité hors du commun.

Par rapport à la multinationale Bombardier et à l’entreprise BRP, le principal avantage qu’une telle collaboration peut engendrer est la conservation efficiente des documents relatant leur histoire et leur héritage. Car une entreprise, telle que mentionnée précédemment, qu’elle soit du domaine privé ou public, a tout à gagner à assurer une gestion intelligente de son patrimoine documentaire. Bombardier est une société qui se soucie de son héritage et du legs sociétal de ses activités. Mettre l’accent sur la gestion des archives signifie avant tout de garantir la pérennité de l’organisation dans le temps. De la sorte, c’est une certaine contribution au rayonnement et au sentiment d’appartenance qui se développe. En transmettant ce message d’intérêt face à l’archivistique, l’entreprise assure que le service d’archives demeure très disponible pour les requêtes.

Du côté du musée, le service d’archives a aussi tout à gagner d’un tel partenariat. Que ce soit simplement en frais de soutien lors de projets spéciaux, il demeure qu’un appui d’une multinationale aussi importante est à considérer. Cependant, l’avantage n’est pas seulement financier, car la multinationale contribue aux expositions du musée, en offrant ses objets et documents historiques. L’accessibilité de ce patrimoine est donc la pierre angulaire, pour le musée, du projet de collaboration. À noter, enfin, que la gestion de la base de données reste du ressort de l’entreprise, plutôt que du service d’archives. Un avantage considérable, puisque les effectifs peuvent dès lors être concentrés ailleurs.

En somme, la présentation du projet de collaboration a permis de faire le point sur une question flagrante : est-il avantageux, pour un organisme à but non lucratif, de faire affaire avec une multinationale privée? Les faits parlent d’eux-mêmes, car les organisations ont toutes deux bénéficié d’un tel partenariat. Une nouvelle question, lancée par Raphaël Bourgeois, devient alors beaucoup plus éloquente. Pourrait-on voir plus de collaborations entre les institutions et les entreprises privées? Dans ce cas-ci, seul le futur en est garant.

Le dépôt d’archives de la fondation J. Armand Bombardier.

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