Profession

Avec ou sans gants?

Virginie Wenglenski, Étudiante à la maîtrise en science de l’information, EBSI

Non, je ne relancerais pas le débat ! D’autant qu’une excellente revue sur « les effets de cette bonne intention qui consiste à vouloir protéger d’éventuelles salissures nos collections uniques » ainsi que sur « les conséquences néfastes d’une mesure qui handicape l’utilisateur » a déjà été réalisée par Baker et Silverman (2005)[1]. Leurs constations et leurs conclusions sont toujours d’actualité. Mes multiples recherches sur le sujet n’ont pas décelé de récentes études qui les contredisent.

Chaque service d’archives décide de la manière de traiter ses archives finalement. Néanmoins, deux stages coup sur coup, un à Montréal (Québec) et un à Paris (France), m’ont incité à me poser la question : avec ou sans gant ? J’avoue que je préfère largement sans.

Pourquoi ! C’est pourtant souvent sale des archives. Et puis, on ne sait pas où ça a trainé. Qui les a touchés pour la dernière fois… Sans parler du fait que nous pouvons y déposer nos propres saletés. Bref, nous nous contaminons mutuellement. Mais malgré cela, je continue à penser que c’est mieux sans. Et j’ai testé les deux!

À Montréal, on a exigé que je porte des gants (coton ou latex). J’avais l’impression de toucher du cristal à chaque fois que je devais manipuler le fonds que je devais traiter. J’ai pourtant adoré travailler ce fonds. Une famille d’origine tchécoslovaque ayant émigré en partie en Angleterre juste avant la Seconde Guerre mondiale puis au Canada en 1951. Celle restée au pays, c’est-à-dire la majorité de ses membres, a péri.

À Paris, on m’a regardé comme si je parlais japonais « ah non, ici on se salit les mains ». Sensation étrange que de toucher des archives qui ont parfois presque 100 ans. On ressent une impression de retour dans le passé, de faire partie pendant un tout petit instant de ce moment où l’archive a été créée, où elle a été utilisée, élimée parce qu’elle a trainé dans de multiples endroits. Et je dois dire que j’aime cette impression. D’autant que cette fois, il s’agissait d’un déporté-résistant-journaliste-médecin d’origine lettone ayant immigré à Paris au début des années 20. Banal quoi !

François Cartier[2] mentionne que les gants restent d’usage lorsqu’on manipule des documents en papier glacé, des photographies, des films ou des objets. Mais il précise en parlant des gants de nitrile ou de latex (qui peuvent bien faire l’affaire) : « je ne me vois pas porter ces machins toute une journée ! ». Certains, comme le Conseil Canadien des Archives[3], ne nomment l’importance de porter des gants que lors de la manipulation des photographies. D’autres, tels la BAnQ[4], y ajoute les bandes sonores et les reliures en vélin.

Il n’y a donc pas de règle unanime, juste du bon sens et des circonstances.

Mais une question demeure : comment fait-on à mains nues pour passer d’un fonds à l’autre si, à chaque fois, on est aussi sensible aux vécus des documents et des objets que l’on traite ? C’est encore un mystère pour moi. Trop jeune… dans le métier. Peut-être une recherche à commencer ?

***

[1] BAKER, Cathleen A. et Randy Silverman. (2005). Fausses idées sur les gants blancs, International Preservation News, volume 37, 52 p. Repéré à https://www.ifla.org/files/assets/pac/ipn/ipnn37.pdf, consulté le 29 octobre 2018.

[2] CARTIER, François. (2018). L’EDC du parfait archiviste ! Archives 21. Repéré à https://archives21.ebsi.umontreal.ca/2018/03/15/ledc-du-parfait-archiviste/, consulté le 29 octobre 2018.

[3] CONSEIL CANADIEN DES ARCHIVES. (2003). Chapitre 4 : entretien des fonds et des collections, Manuel de conservation des documents d’archives, 14 p. Repéré à http://www.cdncouncilarchives.ca/rbch4_fr.pdf, consulté le 29 octobre 2018.

[4] BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES NATIONALES QUÉBEC. (2013). Procédure en matière de manipulation des documents, Collections patrimoniales publiées et archivistiques, 4 p. Repéré à http://www.banq.qc.ca/dotAsset/58afe3f8-ae49-4251-b324-e9ea79c96a11.pdf, consulté le 29 octobre 2018.

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