Recherche scientifique et théorie

Une nouvelle bibliographie francophone pour les 15 ans du PIAF. Entretien avec Sabine Mas et Caroline Becker

Par Jonathan David, responsable du blogue Convergence

Pour ses 15 ans d’existence, le Portail International Archivistique Francophone (PIAF) nous offre une refonte complète de son module dédié aux références bibliographiques. Présenté en avant-première il y a quelques semaines lors du Congrès des professionnels de l’information, cet outil regroupe plus de 5 000 notices d’ouvrages écrits en français.

Pour en connaitre davantage à ce sujet, je m’entretiens avec Sabine Mas, responsable du projet, ainsi que Caroline Becker, webmestre du PIAF.

J.D. – Au bénéfice de nos lecteurs, pouvez-vous nous en dire davantage à propos du PIAF ?

S.M. & C.B. – Le Portail International Archivistique Francophone (PIAF) fêtera en 2020 ses 15 ans d’existence. Il est aujourd’hui piloté par un comité composé d’une quinzaine de professionnels et d’enseignants-chercheurs en archivistique provenant de différents pays de la Francophonie : Belgique, Canada, France, Luxembourg, Sénégal, Suisse, Tunisie et Vietnam.

Le PIAF constitue un espace virtuel de formation, d’information et d’échanges, dédié à l’archivistique, aux archives et aux archivistes. L’intégralité des contenus du PIAF, tant sur le plan pédagogique que sur le plan informatif, est élaborée par des spécialistes de haut niveau dans leur domaine. Même s’il a été créé et demeure sous la responsabilité de l’Association Internationale des Archives Francophones (AIAF), le Portail n’est pas uniquement utilisé dans la Francophonie. Selon les relevés statistiques, de nombreuses personnes issues d’autres communautés linguistiques et archivistiques le consultent.

Le cœur du PIAF est constitué par trois volets complémentaires :

  • Le volet « Se former » permet d’accéder à une formation en ligne, libre et gratuite. Il s’adresse en premier lieu aux professionnels isolés, qui n’ont pas accès à des cours de base ou de perfectionnement ni à la littérature professionnelle. Il est aussi utilisé dans de nombreuses formations d’archivistique données par les institutions d’enseignement et depuis quelques années dans le cadre du Stage Technique International des Archives (STIA). Le PIAF peut également s’avérer utile pour des personnes qui souhaitent simplement s’initier à la gestion des archives, sans être pour autant des professionnels. L’intégralité de l’offre pédagogique est disponible sous deux formats : web et PDF (téléchargeables).
  • Le second volet, intitulé « Se documenter », est constitué d’un ensemble de ressources documentaires destiné plutôt aux professionnels. C’est une boîte à outils qui comprend un annuaire des associations et des institutions d’archives, une bibliographie archivistique francophone, une banque de données iconographiques et une rubrique dédiée aux actualités – « le blogue » – ainsi qu’une webographie et une liste des référentiels métiers francophones.
  • Le PIAF met également à disposition un Espace professionnel (baptisé « E-pro ») qui sert d’outil de travail collaboratif et d’échange entre pairs. Actuellement, plus de 1 500 personnes participent à cet espace où 110 groupes coopèrent sur différents sujets.

J.D. – À qui s’adresse cet outil formidable qu’est le module de références bibliographiques ? Que peut-on s’attendre à y retrouver ?

S.M. & C.B. – La bibliographie francophone sur l’archivistique du PIAF s’adresse aux professionnels du monde des archives, aux enseignants, aux étudiants et aux amateurs. Elle contient plus de 5 000 notices bibliographiques faisant référence à des textes (livres, articles, mémoires, thèses, etc.) écrits en français et portant sur la théorie ou la pratique archivistique.

Elle a été conçue dès l’origine comme un outil ambitieux et original. Il n’existait en effet pas de bibliographie sur l’archivistique exclusivement francophone, permettant une recherche dynamique et un accès au texte intégral, lorsque disponible en ligne et libre de droits. La présente bibliographie repose sur une interface permettant une exploration conviviale et intuitive à la fois en mode recherche et en mode furetage, de sorte à convenir à différents besoins, comportements et habiletés des utilisateurs. Par exemple, les utilisateurs ayant une idée préalable du sujet recherché ou des résultats espérés peuvent saisir des mots-clés ou une requête plus complexe dans un champ de recherche, tandis que ceux désirant se familiariser avec la bibliographie ou découvrir de nouveaux sujets en archivistique peuvent butiner en naviguant à travers les facettes proposées, pour affiner ou élargir l’ensemble des résultats. Puisque les deux modes de recherche sont intégrés dans une interface unique, il est possible de les combiner. Ainsi, il est possible de débuter la recherche par la saisie d’une requête, puis de filtrer progressivement les résultats à l’aide des facettes ou « filtres », le tout de manière parfaitement intuitive. À l’inverse, il est également possible d’obtenir d’abord un ensemble de résultats avec les facettes, puis d’affiner encore par la saisie d’une ou plusieurs requêtes. En tout temps, on peut élargir à nouveau l’ensemble des résultats en retirant l’un ou l’autre des critères de recherche déjà fournis, qu’il s’agisse de filtres sélectionnés dans les facettes ou de requêtes saisies dans le champ de recherche. A ce jour, cette réalisation reste unique, aucun outil comparable en archivistique, ni en français ni dans aucune autre langue, n’a vu le jour.

J.D. – D’où est venue l’idée de cette mise à jour majeure ? À quel(s) nouveaux besoin(s) répond-elle ? Quelles sont les grandes nouveautés ?

S.M. & C.B. – Depuis 2015, l’outil bibliographique a subi de profondes transformations ; pour en arriver à la version que vous avez devant les yeux aujourd’hui, plusieurs essais –certains plus fructueux que d’autres- ont été menés, l’objectif étant de répondre au mieux aux besoins des utilisateurs. La précédente interface utilisée n’était pas aussi simple et intuitive que souhaité, la plupart des pages étaient alourdies par l’affichage d’informations superflues, tandis que la structure classificatoire n’était pas présentée à l’utilisateur de manière aussi limpide et organisée que souhaité. Une classification à facettes semblait plus appropriée pour mieux exploiter la richesse des données. C’est ce qui a motivé l’idée de cette mise à jour majeure. De plus, la présente bibliographie a l’originalité d’offrir une interface web plus épurée et conçue à partir d’un logiciel libre en vue de permettre le partage en données ouvertes. En offrant une meilleure visibilité à l’ensemble des ressources archivistiques, le projet répond, d’une part, au besoin d’améliorer la pratique des archivistes, et d’autre part, vise à offrir un outil de découverte dans le cadre d’une formation initiale, continue ou autodidacte en gestion des documents et des archives.

J.D. – Quel est le rôle de l’EBSI au sein du PIAF ? Est-ce que les archivistes québécois sont bien représentés sur ce portail ?

S.M. & C.B. – Dans les premières années de la construction du PIAF, les efforts se sont portés sur l’élaboration des contenus de la formation. Une fois cette base solidement établie, c’est vers le volet « se documenter » que l’attention des concepteurs du PIAF s’est tournée et en particulier vers la bibliographie. Sabine Mas, professeure à l’EBSI, a pris en charge ce projet en novembre 2014. C’est à partir de ce moment-là que la bibliographie a pris toute son ampleur. Sabine Mas a très vite confié certains travaux à ses étudiants. L’un d’entre eux, Simon Côté-Lapointe, étudiant au doctorat, œuvre à la réalisation du contenu de cette bibliographie depuis quatre années maintenant. Par ailleurs, la bibliographie est basée sur le logiciel libre Kerko, qui a été conçu spécifiquement pour les besoins du PIAF par David Lesieur, étudiant à la maîtrise à l’EBSI. David a déposé le code source de ce logiciel libre sur Github au bénéfice de la communauté des développeurs. Enfin, la bibliographie du PIAF est hébergée sur un des serveurs de l’EBSI et administrée par Mohamed Maatallah.

L’implication des archivistes québécois au PIAF est multiple et remonte à la naissance du Portail. Marcel Caya, professeur retraité de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM) en est un des fondateurs, il s’est occupé de tous les contenus pédagogiques jusqu’au début 2019. La flamme québécoise ne s’est pas éteinte à son départ, bien au contraire ! Le comité de pilotage du PIAF compte parmi ses membres, deux enseignantes-chercheuses québécoises (Sabine Mas et Natasha Zwarich), un professionnel des archives (David Rajotte) ainsi que Basma Makhlouf Shabou et Aïda Chebbi –qui ont été étudiantes puis enseignantes à l’EBSI.

Sur le plan des contenus du Portail, l’influence de l’approche québécoise de l’archivistique est importante. À titre d’exemple, citons le module relatif à la gestion de documents (module 5), rédigés par Cynthia Couture ; il est demeuré longtemps le module le plus visité du Portail et le plus téléchargé en format PDF. Autre exemple : c’est à Natasha Zwarich, professeure d’archivistique de l’UQÀM, qu’a été confiée la rédaction du module dédié à la gestion des documents numériques. Il devrait être mis en ligne fin 2020.

Pour ce qui est des statistiques de fréquentation du PIAF, nous ne disposons pas de chiffres spécifiquement dédiés au Québec, mais nous savons que le Canada est le 3e pays à se connecter au PIAF. Les cartes géographiques montrent que l’essentiel des visites provient du Québec.

J.D. – Est-ce qu’une équipe assure de façon régulière la mise à jour des notices ? À quoi s’attendre pour les développements futurs ?

S.M. & C.B. – Depuis 2016, la mise à jour de la bibliographie est réalisée annuellement par une équipe de bénévoles recrutés à partir de la liste de diffusion de l’EBSI et composée essentiellement d’étudiants. Il y a eu beaucoup de travail de repérage et d’indexation des références bibliographiques à réaliser ces trois dernières années afin de combler le retard dans la mise à jour de la bibliographie. Il est difficile de faire de la rétention auprès des étudiants, aussi l’équipe change chaque année. Simon Côté-Lapointe s’est chargé de la formation et de la supervision de l’équipe de bénévoles. Il a rédigé un guide d’indexation à leur intention et mis en place un système de veille. À l’avenir, nous envisageons de former une équipe plus stable. Cette équipe pourrait être composée d’enseignants, de professionnels et d’étudiants au doctorat provenant de différents pays de la francophonie afin de garantir l’exhaustivité des sources. Un groupe Zotero privé a été créé pour permettre l’ajout des nouvelles notices bibliographiques. Bien entendu, toute personne voulant s’impliquer est la bienvenue ! Nous invitons également les utilisateurs à nous faire part de tout ajout souhaité ou erreur observée au sein de la bibliographie. Nous vous demandons d’être indulgents ; il y a encore un important travail d’uniformisation de la description des données à faire. Le nombre de textes publiés annuellement au sein de notre discipline ne cesse de croître, le travail demeure ambitieux. D’ici les prochains mois, environ 1500 nouvelles notices déjà repérées seront ajoutées à la bibliographie. Ce travail de bénédictin ne serait être viable sans le support de l’AIAF et la coopération entre les professionnels, archivistes enseignants et chercheurs au sein de la Francophonie. Nous sommes très fiers du résultat tout en restant humbles : une bibliographie sur l’archivistique ne pourra être qu’inachevée compte tenu du foisonnement d’écrits publiés chaque jour au sein de cette discipline. Ainsi, la classification des sujets recensés dans la bibliographie ne serait être figée dans le temps, car elle devra refléter le dynamisme de la réflexion, l’évolution de la terminologie et la diversité des problématiques abordées par les écrits relatifs à la discipline archivistique.

Différents filtres très précis permettent de réduire le nombre de résultats.

Pour visiter la bibliographie du PIAF :

https://bibliopiaf.ebsi.umontreal.ca/bibliographie/

Pour consulter le Rapport annuel 2019 du PIAF :

http://www.piaf-archives.org/actualites/rapport-annuel-2019-du-piaf

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