Types : photographie

Les archives photographiques et leur préservation

Par Sophie Montigny, étudiante à l’EBSI

Nous en avons tous ; ces vieilles photos noir et blanc jauni par le temps, marquant notre histoire personnelle. Les histoires qui s’y rattachent sont importantes pour le patrimoine familial ou historique. C’est pourquoi il est important de bien les conserver. C’est une tâche qui peut se montrer complexe et variée selon le type de photographie, chacune ayant ses composés chimiques uniques. Nous allons tout d’abord faire un bref historique des différentes sortes de photographie, ensuite nous verrons les facteurs conduisant à leur détérioration suivie des facteurs aidant à une meilleure conservation de ces archives.

Source – CC BY-SA 2.0

Depuis ces tous débuts, la photographie a beaucoup évolué. Différents procédés ont vu le jour au fil des ans. L’un des premiers étant le daguerréotype. Cette technique consiste à fixer l’image sur une plaque de cuivre argenté avec des vapeurs de mercure. Elle voit le jour officiellement en 1839 à Paris. Ce procédé ne comporte aucun négatif, donc aucune copie n’est possible. C’est une méthode qui sera populaire jusqu’en 1860 environ. Le calotype (ou talbotype), suivra de peu le daguerréotype, et fut le premier procédé avec un négatif permettant de faire de multiples copies. Il sera suivi par le négatif sur verre au collodion humide vers les années 1850. Cette technique sera populaire au Canada jusqu’en 1885 environ. L’ambrotype et le ferrotype ont également été créés vers le début des années 1850. Le ferrotype sera celui ayant la plus longue popularité, puisqu’il sera utilisé jusqu’en 1930 dans certaines régions au Québec. Tous deux sont des procédés qui utilisent le collodion. L’ambrotype emploie une plaque de verre blanchie tandis que le ferrotype utilise une plaque de métal laquée noire. Les premiers négatifs étant sur plaque de verre, les techniques avec la gélatine feront leur apparition vers 1871. La célèbre compagnie Kodak utilisera les pellicules de nitrocellulose et mettra en marché la pellicule avec développement inclus vers la fin des années 1880. Ce sera la démocratisation de la photographie permettant une utilisation beaucoup plus facile grâce à leurs nouveaux appareils photographiques beaucoup plus petits et légers. Tout un chacun pourra ainsi se lancer dans la photographie à partir des années 1894. La nitrocellulose se trouvant à être hautement inflammable et il fut changé vers les années 1930 pour de l’acétate de cellulose et vers les années 1960 pour du polyester. (Charbonneau, Robert, 2001, 5-16 ; Forde, H., & Rhys-Lewis, J., 2013, 16-17 ; Harvey, R., Mahard, M. R., 2014, 174-177)

Tous ces différents procédés rendent la préservation complexe puisque la détérioration de ces archives est intimement liée à la technique de fabrication. Ce sont les facteurs internes de dégradation. Le meilleur exemple est le film à nitrocellulose cité plus haut. Son caractère ignifiable produit un gaz toxique qui entraîne l’endommagement de la pellicule. L’accumulation de ce gaz peut provoquer la pellicule à s’embraser de façon spontanée. Dans ce cas la façon de conserver sera d’autant plus importante, le feu étant très mauvais pour une bonne préservation des archives. Heureusement il est relativement simple et facile de contrer cet effet destructeur. Il suffit de placer les photos dans des pochettes individuelles, laisser les boîtes ouvertes, et les placées dans une pièce dotée d’un système de ventilation approprié. Cela permet l’élimination rapide des gaz sans les laisser s’accumuler. Un autre exemple serait les films d’acétate de cellulose qui en se dégradant produisent de l’acide acétique communément appeler du vinaigre, ce qui accélère grandement le processus de dégénérescence de ce type de pellicule.  En plus de la dégradation naturelle qu’ils provoquent, ces facteurs internes viennent augmenter l’effet de l’humidité, la température et la lumière qui sont les facteurs externes de détérioration. Un bon contrôle de ces facteurs pourra ralentir le processus et permettre une meilleure conservation des archives. (Charbonneau, Robert, 2001, 177-178)

La façon de manipuler ces archives excessivement fragiles a une très grande importance. Les toucher de manière inappropriée ou sans prendre les précautions nécessaires va ajouter aux facteurs internes et externes de dégradation.  Les manipulations pourront amener les archives à plier ou déchirer sans compter qu’un maniement a main nue mettrait des empreintes sur la photo. Il faut donc les manipuler avec précautions et en portant des gants de coton ou de nitrile. Les conditions d’entreposage des archives ont également une énorme incidence sur la rapidité de dégradation. Pour en ralentir le processus naturel, les conditions ont besoin d’être optimales. Lorsqu’elles ne le sont pas, les effets peuvent être nuisible. Une température trop élevée dans la pièce va accélérer le processus naturel tandis qu’une température plus basse aura un effet bénéfique sur le vieillissement de la photo. Le taux d’humidité doit quant à lui être réglé de façon parfaite puisqu’une humidité trop élevée amène la formation de moisissure, ramollit la gélatine et conduit les ferrotypes à rouiller. Une humidité trop basse amènera l’enduit des photographies à craqueler, à sécher et le support à fendiller et se briser. Il faut donc trouver le degré d’humidité parfait. Un autre facteur aggravant serait les polluants atmosphériques sous forme de gaz ou de particules fines. Les gaz produiront des acides qui provoquent le palissement des photographies, tandis que les particules, elles, en se déposant sur les photos causent de l’abrasion lors des manipulations où vont épandre une huile sur la surface de la photo. La lumière, qu’elle soit naturelle ou artificielle, et les ultraviolets vont aussi causer une dégradation des archives en amenant les images à pâlir. Parmi les facteurs externes, il ne faut pas négliger le mobilier ou le matériel utiliser pour ranger les archives. Les boîtes si elles contiennent du plastique ou d’autres composantes nuisibles peuvent, en se dégradant, amener une détérioration des archives. Le mobilier, si en bois verni ou peint, peut être à l’origine de gaz nuisible. Les nettoyants pour entretenir la pièce sont aussi important et doivent être exempt de chlore ou de javellisant. Le dernier facteur et non le moindre est un mauvais contrôle des vermines. Les insectes ou rongeurs, pourront causer des dommages, puisque ces petites bêtes raffolent de se types de supports. (Charbonneau, Robert, 2001, 179-181)

Nous venons donc de voir les différents facteurs pouvant conduire à une dégradation des archives photographiques. Pour une conservation optimale, il est nécessaire de leur donner un environnement stable. Cela prend un milieu propre et bien ventilé, doté des filtres adéquats pour éviter les gaz et polluants divers. Il faut des lumières dotées de filtres UV et bien contrôler les heures de luminosité durant la journée. Une pièce sans fenêtre serait idéale sinon celles-ci devraient être muni d’un opacifiant, store ou autre. Le mobilier idéal est en métal émaillé afin d’éviter les émanations de gaz produit par ceux en bois ou en mélamine. Les boîtes et les protecteurs doivent être approprié selon le type d’emploi qui sera fait des différentes photographies. En cela, le budget sera déterminant pour prendre une décision sur le type de protecteur utiliser. Les pochettes de plastique sont plus coûteuses, mais pour les photos qui sont consultées plus fréquemment, elles semblent plus appropriées étant donné que cela diminue la manipulation. En effet, le plastique transparent permet de voir la photo sans la sortir du protecteur. Ce qui n’est pas le cas pour ceux fait de papiers, ou l’on doit sortir la photo ce qui amène plus de risque de les endommager. La température et le taux d’humidité adéquat sont les plus complexes à trouver en matière de photographie puisque chaque type de photo et de négatif a ses conditions particulières. Le taux d’humidité moyen sera entre 30-40%. La température sera à 18°C ou moins pour les photos et négatifs noir et blanc tandis qu’elle sera autour de 2°C pour les photos et négatifs en couleurs. Si les ressources le permettent, une séparation des différents supports peut être nécessaire pour que chacun reçoive le traitement approprié. Les services d’archives ne sont pas tous équipés pour donner les conditions optimales à chacun des supports, dans ce cas il faut s’appliquer à trouver le juste milieu. En plus de tout cela, les différents types de photographies que nous avons cités plus haut peuvent nécessiter des conditions de conservation particulières. Par exemple, les ferrotypes ont besoin de boîtes imperméables puisque l’eau, en cas d’inondation, peut gravement abîmer les spécimens s’ils sont mouillés et les amener à rouiller.  Les plaques de verres quant à elles étant de nature extrêmement fragile, ont besoin de micro-mousse à l’intérieur des boîtes pour les protéger des chocs. Les photographies grands formats, qui sont impossibles à mettre dans des boîtes, ont besoin d’un support rigide pour les protéger. Elles sont aussi souvent gardées rouler. On ne peut les conserver ainsi puisque le déroulage risque de les endommager un peu plus à chaque fois qu’elles sont manipulées. Ceci nécessite une humidification pour lui redonner sa forme sans causer plus de dégât. Un nettoyage à sec fréquent est aussi nécessaire pour enlever les poussières et autres saletés afin d’éviter de l’abrasion sur les photographies.  (Charbonneau, Robert, 2001, 181-192 ; Ross, H, Mahard, M. R., 2014, 184-187)

Avec tous les facteurs et conditions nommés ci-haut, il reste que l’étape la plus importante, la première, qui permettra une bonne conservation est l’évaluation de l’archiviste lors de la réception du fonds d’archive ou de la collection. Elle définira quels sont les besoins spécifiques pour ce fonds. Il est impératif, lors de cette étape, de déterminer quelles photographies ont besoin de restauration en priorité. Il est aussi important d’évaluer quels contenants sont en mauvais état ou inappropriés afin de faire les changements nécessaires. Cette évaluation permettra d’établir le meilleur endroit ou conserver les photographies selon les conditions environnementales essentielles. Réalité oblige, l’évaluation donnera lieu d’estimer le coût du plan d’intervention établi. Le budget alloué sera déterminant pour cibler la priorité des besoins. Pour une meilleure préservation, des copies des photographies peuvent être faite pour consultation. Cela permet de garder les originaux à l’abri des manipulations trop fréquentes. ((Charbonneau, Robert, 2001, 176-177, 185-188) ; (Ross, H, Mahard, M. R., 2014, 191-192))

L’histoire de la photographie est un univers diversifié et passionnant et leur préservation l’est tout autant. La tâche est d’autant plus complexe que chaque procédé photographique a ses propres spécificités. Malgré le défi technique inhérent à leur composition, avec les bons moyens et la bonne méthode il est tout à fait réalisable de bien préserver cette richesse que sont les archives photographiques. Au-delà des conditions nécessaires à la préservation, l’outil ultime sera et restera toujours l’archiviste.

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* Ce texte est une version révisée et augmentée d’un travail pratique réalisé dans le cadre du cours ARV1050 – Introduction à l’archivistique – donné au trimestre d’hiver 2020 par Isabelle Dion à l’EBSI, Université de Montréal.

Bibliographie

Forde, H., & Rhys-Lewis, J. (2013). Understanding archival materials and their characteristics (2e ed.), In Preserving Archives (p. 5-24), London : Facet.

Harvey, R., Mahard R. M., (2014), Photographic materials, in The Preservation Management Handbook : A 21st-Century Guide for Libraries, Archives, and Museums (pp. 174-210), Lanham : Maryland : Rowman & Littlefield Publishers,. ProQuest Ebook Central,

Charbonneau N, Robert, M, (2001), La gestion des archives photographiques, 9782760516465, Quebec: Les Presses de l’Université du Québec,  Canadian Electronic Library/desLibris. Absolute

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