Par Gabrielle Girard, étudiante à l’EBSI, Université de Montréal
Lors du certificat en archivistique que j’ai effectué à l’Université de Montréal, ma classe s’est vue proposer un travail pratique très intéressant dans le cadre du cours « Diffusion, communication et exploitation », enseigné par madame Annaëlle Winand. Pour cet exercice, qui portait le titre « Archives au quotidien », nous devions réfléchir à propos de la place qu’occupent les archives dans notre vie de tous les jours, afin d’écrire un court texte à ce sujet. Immédiatement, j’ai pensé à la Roue de paon se trouvant chez ma tante, fruit de sa passion pour la généalogie. Ce texte vise donc à mettre en lumière son travail, mais également celui de plusieurs autres membres de ma famille qui ont travaillé de concert dans le cadre d’un but commun: la diffusion des archives aux générations futures.
Je crois que mon intérêt pour les archives n’a réellement débuté que lorsque j’ai remarqué chez ma tante maternelle un étrange tableau accroché au mur. En forme de demi-cercle, il portait une quantité incalculable de noms, de lieux et de dates. Ce n’est qu’en le regardant de plus près que j’ai compris qu’il s’agissait d’un arbre généalogique; plus précisément, d’une « Roue de paon ». Ce type d’arbre présente à la fois l’ascendance paternelle et maternelle d’un individu: ce dernier est placé au bas du schéma, et chaque demi-cercle correspond à une génération. Ainsi, il existe plusieurs tailles de roue de paon selon la génération la plus ancienne sur laquelle on dispose d’informations. Bien entendu, il peut être très ardu, voire impossible, de compléter chaque génération dans son entièreté. Pour reconnaître les efforts des chercheurs, la SGP (Société de généalogie de Québec) accorde des certificats ainsi que des « plumes de paon » aux individus ayant complété un certain pourcentage de leur roue de paon.
Pour obtenir les informations nécessaires à cet arbre généalogique, ma tante a consacré plusieurs années de sa vie à consulter des documents d’archives relatifs à notre famille. Certains autres membres de la famille, dont ma grand-mère, avaient déjà pris ce genre d’initiative par le passé et avaient compilé beaucoup d’informations, de photographies et de documents sur nos ancêtres. En s’appuyant sur ces recherches antérieures et à l’aide d’innombrables visites dans des centres d’archives conservant des registres paroissiaux, ma tante est parvenue à mettre au point une roue de paon couvrant douze générations ! L’aboutissement de ce travail n’aurait évidemment pas été possible sans l’accès aux archives.
Au fil de ses recherches, elle a pu retracer certains de nos parents éloignés résidant en Suisse ou bien en France ! Elle a pu prendre contact avec eux afin de leur faire part de son projet, mais aussi pour leur poser des questions concernant certains de nos ancêtres communs. En cherchant dans leurs propres archives, ses nouveaux contacts ont pu lui fournir les informations dont elle avait besoin: ces renseignements auraient probablement été très difficiles d’accès au Québec.
Il est intéressant de constater que les archives peuvent être à l’origine de nouvelles relations et ce, peu importe la distance.
La redécouverte du travail de ma tante m’a menée à consulter les recherches généalogiques qui avaient été effectuées antérieurement par d’autres membres de ma famille. Plusieurs générations avaient travaillé de concert pour mettre au point des albums reliés mettant en lumière le passé de leurs ancêtres au moyen de photographies, de biographies détaillées et de photocopies de documents d’archives. Ils ont également compilé un répertoire de tous les descendants du premier ancêtre de notre famille en documentant leur nom ainsi que leur date de naissance et de mort; ces informations peuvent se révéler un excellent point de départ si l’on souhaite effectuer des recherches complémentaires.

Figure 2. Un cartable préparé par plusieurs membres de ma famille, du côté de ma grand-mère maternelle.
Au fil des années, ma mère a également contribué à ces albums en ajoutant de nouveaux documents qu’elle avait trouvés grâce à ses propres recherches, effectuées sur Internet. Avec l’arrivée des archives numérisées, il est désormais beaucoup plus facile d’enrichir le patrimoine familial, de même que notre fonds de documents.
En constatant l’implication de chacun dans la conservation et la diffusion de l’histoire de nos ancêtres, j’ai moi aussi tenu à apporter mon aide: c’est ce que j’ai eu l’occasion de faire au cours de l’été 2021. En utilisant des ressources en ligne telles que Généalogie Québec, le LAFRANCE ou encore le Programme de recherche en démographie historique, j’ai pu retracer et imprimer bon nombre d’actes témoignant du baptême, du mariage ou du décès de plusieurs de mes ancêtres.
J’ai également pu édifier la branche paternelle de mon arbre généalogique, sur laquelle je n’avais alors que très peu d’informations. J’ai eu l’occasion d’en apprendre davantage à propos d’événements importants de l’histoire de ma famille, qui m’ont parfois étonnée. Au fil de mes recherches, j’ai notamment appris que certains de mes ancêtres avaient subi le Grand Dérangement de 1755 et que d’autres ont fait l’objet d’un jugement à la Cour Suprême. J’ai été particulièrement touchée de pouvoir consulter en ligne des documents témoignant de la déportation de mes ancêtres de leur Acadie natale pour être envoyés vers le Maryland et, par la suite, vers la Louisiane. En poursuivant mes recherches, j’espère pouvoir un jour concevoir ma propre roue de paon.
Au final, je suis extrêmement reconnaissante du travail de tous les membres de ma famille qui, au fil des années, ont exprimé un constant souci de conservation et de diffusion des archives familiales. Je suis particulièrement reconnaissante envers ma tante qui, en plus de ses recherches additionnelles, a permis la représentation visuelle de l’histoire familiale sous la forme d’une impressionnante roue de paon.
Leur travail m’a fait prendre conscience de l’importance de savoir d’où l’on vient, et je suis fière d’avoir pu moi-même contribuer à ce projet. Leurs efforts réunis m’ont également fait constater que, plus que jamais, il est important de préserver notre histoire familiale pour la transmettre aux générations futures: les actes de baptême, de mariage et de sépulture constituant les fondations de bien des bases de données généalogiques, il va sans dire que les chercheurs de demain devront adapter leurs méthodes de recherche. Le rôle de la religion étant en constant déclin, sur quels documents devrons-nous nous baser pour retracer les liens familiaux des générations à venir ?
*Ce billet est une version rehaussée d’un travail qui a été réalisé à l’EBSI, Université de Montréal, dans le cadre du cours ARV1056 Diffusion, communication et exploitation donné au trimestre d’hiver 2022 par Annaëlle Winand.
Bibliographie:
Roue de paon. Société de généalogie de Québec. https://www.sgq.qc.ca/services/roue-de-paon