Profession/Vie d'archiviste

Vie d’archiviste : Adama Aly

Adama Aly PAM

Adama Aly PAM

Archiviste paléographe / Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest


Quel est votre parcours professionnel?

Je suis archiviste paléographe, à la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest dont le Siège est à Dakar. Nous sommes engagé depuis près de dix ans dans un ambitieux programme de modernisation des archives et de la Documentation d’une institution dont les bureaux (23) sont répartis dans huit pays avec un bureau à Paris. Avant mon recrutement à la Banque Centrale, j’ai débuté ma carrière aux Archives nationales du Sénégal en qualité de conservateur d’archivistes avec un fort volet de gestion des archives historiques. J’ai parallèlement à mes charges aux Archives nationales, participé à la formation des archivistes à l’Ecole des Bibliothécaires, Archivistes et Documentalistes de l’Université Cheikh-Anta-Diop de Dakar où nous avons mis en place des formations en ligne d’archivistes documentalistes d’entreprise.

Sur le plan socioprofessionnel, j’ai beaucoup  milité pour l’avancement du métier d’archiviste au sein de la société sénégalaise. Cet engagement m’a permis d’être porté à la tête de l’Association Sénégalaise des Bibliothécaires, Archivistes et Documentalistes. Au cours de mon mandat, j’ai développé avec une équipe de jeunes professionnels très motivés, un ensemble de programmes de renforcement des capacités des professionnels, raffermi le réseautage de l’Association au niveau national et international en participant au Conseil International des Archives à l’IFLA etc.

Parcours académique

Mon parcours académique est classique. J’ai entamé des études d’histoire qui m’ont fait découvrir les archives nationales comme sources importantes pour la rédaction de mon mémoire de maîtrise. Cette rencontre avec les archives a été un moment de découvertes et d’émerveillement. C’est ainsi que j’ai décidé de passer le concours d’entrée à l’Ecole des Bibliothécaires, Archivistes et Documentalistes. J’ai eu la chance de réussir au concours d’entrée pour l’obtention d’une maîtrise en Archivistique. Sorti major de ma promotion, j’ai eu une bourse d’étude du Gouvernement Français qui m’a permis de poursuivre mes études à l’Ecole des Chartes à Paris.

Magasin des archives de la Banque

Magasin des archives de la Banque

Mon diplôme d’archiviste paléographe en poche, j’ai suivi plusieurs stages techniques en archives aux Archives nationales de France, à l’Institut Pasteur de Paris. J’ai également eu la chance extraordinaire de séjourner aux Archives nationales de Québec à Sainte-Foy. L’idée était pour moi de vivre une tradition archivistique nord-américaine différente de ce qui se fait en France et me familiariser avec la forte tradition de la gestion des documents administratifs. Après quelques années de pratique, le travail au quotidien avec les matériaux de l’histoire m’a incité à une réinscrirption au Département d’Histoire de l’Université Cheikh-Anta-Diop et de soutenir une thèse de doctorat de troisième cycle d’histoire.

 Pourquoi avoir choisi cette profession? Quelle était votre motivation, qu’est-ce qui vous attirait dans le métier?

Je crois que me sensibilité à l’histoire et à tout ce qui touche le passé, le patrimoine m’a naturellement conduit à faire du métier d’archiviste un métier et une vocation à partager avec les chercheurs un même champ d’action. Chemin faisant, des questions beaucoup plus philosophiques m’ont conforté dans l’idée d’une mission de participation à la création d’une société plus juste via l’utilisation des archives comme moyens de promotion des droits civiques, d’accès à l’information administrative, de renforcement de la transparence de l’action publique etc. A cet effet, j’ai participé dans le cadre d’une mission de l’Organisation des Nations unies à la mise en place d’un programme de gestion et d’organisation des archives de la Commission de vérité et de réconciliation du Togo. Il s’agissait pour cette dernière de mettre la lumière sur 50 ans de violation massive des droits de l’homme dans ce pays et mettre en place les éléments d’une politique de réconciliation nationale.

Quelle est votre routine habituelle?

Recevoir les chercheurs, faire un tour dans la salle de lecture et discuter des problématiques de recherche des uns et des autres.

Avez-vous des anecdotes qui vous sont arrivées au travail?

Travailler avec des archives témoignant de la violation des droits de l’homme a été un exercice qui m’a permis de voir le rôle et la place de l’archiviste dans la construction d’une société plus juste mais se retrouver dans le discours de ses violences a été également très difficile mentalement.

Avez-vous connu des changements marquants au sein de votre profession au cours des dernières années? Lesquels?

Évidemment, la profession a beaucoup changé avec l’usage des nouvelles technologies, la problématique de la gestion des archives numériques, la dématérialisation des archives et la nécessité d’acquérir de nouvelles compétences. Par ailleurs, le fait de quitter les Archives nationales du Sénégal pour la Banque Centrale a été un autre facteur important ; En effet, de la gestion des archives historiques, je suis entré dans une organisation internationale avec un fort volet de record management avec des impératifs de rentabilité.

Que faites-vous pour maintenir à jour vos connaissances et votre expertise?

C’est un défi extraordinaire. Je participe régulièrement à des séminaires de formation sur les nouveaux aspects du métier particulièrement tout ce qui a trait à la gestion des données numériques, la gestion des archives audiovisuelles. J’ai eu des bourses d’études du Conseil International des Archives, de l’Unesco, du Département d’État des États-Unis pour participer à des rencontres internationales d’archivistes.

Dispositif de sécurité incendie des archives de la BAnque

Dispositif de sécurité incendie des archives de la BAnque

Qu’est-ce que vous voudriez partager avec quelqu’un qui désirerait entreprendre des études en archivistique?

J’aime bien partager la pensée de Jules Michelet qui disait à propos des Archives de France : «Dans le silence apparent de ces galeries, il y avait un mouvement, un murmure qui n’était pas de la mort. Ces papiers, ces parchemins laissés là depuis longtemps ne demandaient pas mieux que de revenir au jour – Ces papiers ne sont pas des papiers mais des vies d’hommes, de provinces, de peuples»

La question des archives n’est pas une question du passé, mais une question de l’avenir.

Comment décrivez-vous votre métier à des non-archivistes ?

J’aide la société à organiser sa mémoire pour éviter une amnésie préjudiciable à la bonne marche de celle-ci. Je recueille l’information et les traces de l’activité de la Banque dans un double but : aider les décideurs à prendre les bonnes décisions, assurer la traçabilité des actions dans une perspective de transparence et de garantie du respect des droits des mandants.

Selon vous, quel est l’apport des archivistes à la société ?

L’âme d’un peuple se fortifie à travers l’histoire, des traditions religieuses, des monuments et de toutes choses auxquelles elle s’est attachée ou qu’elle a vivifiée, de tous les objets qui l’on en quelque sorte incarnée ou rendue sensible. Les archivistes sont des architectes qui construisent des ponts entre le passé, le présent et l’avenir. En tant que passeurs de mémoire, ils permettent aux sociétés de capitaliser les connaissances, d’agir pour le présent et de renforcer l’identité des sociétés pour lesquelles ils travaillent.


Le projet Vie d’archiviste vise à présenter une série de portraits d’archivistes provenant de différents milieux et d’illustrer leur parcours et leur travail quotidien. L’AAQ désire ainsi présenter la diversité dans les profils possibles d’archivistes. Les documents et connaissances que nous gérons et préservons sont souvent mis de l’avant, c’est à notre tour maintenant! Vous souhaitez participer? Écrivez-nous à communicationaaq@gmail.com.

10 réflexions sur “Vie d’archiviste : Adama Aly

  1. Parcours d’une icône..un exemple pour les jeunes archivistes que nous sommes. Aujourd’hui, le challenge vous reviendrait de favoriser la formation en Afrique pour assurer la relève.
    Cordialement.

  2. Quelle belle rencontre ! Merci à Convergence et l’AAQ pour ouvrir une telle porte sur l’archivistique sur le continent Africain, merci. Et pour M. Aly, chapeau, vous avez une belle approche de notre métier et vous le dérivez très bien. J’ai adoré votre citation de Jules Michelet. Bonne chance dans vos projets, je vais suivre avec plaisir le développement de l’archivistique à Dakar et son rayonnement.

  3. Aly est un archiviste en majuscule, il a une mission très lourde en tant que pionnier parmi le peu qui exerce dans un continent où l’attachement à la communication orale marque encore des points importants dans la façon désinvolte dont l’Administration persiste à gérer les archives à travers de nombreux pays africains. Je ne pourrais que lui souhaiter beaucoup de courage, surtout de ne point se limiter sur le seul cas du Sénégal, de tenter des initiatives, quelle que soit la nature, lorsque celle-ci vise à sauvegarder l’essentiel des fonds d’archives qui ne cessent de se mettre arbitrairement au pilon ici et là !

    • Merci Doyen. Vos encouragements sont pour nous une invite à plus d’humilité et de courage. C’est une chance que de vous avoir.

  4. Pingback: International Archives and Archivists Weekly News Roundup — February 19, 2016 | Global Notes

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