Profession

Appel à la participation du public : description de photographies et présence des archives dans la communauté

Par François Dansereau, Archiviste, Centre universitaire de santé McGill

Le travail d’organisation et de description du Fonds d’archives du département audiovisuel de l’Hôpital de Montréal pour enfants, inclus dans la collection du Centre d’archives du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), est en constante progression. Le fonds, comprenant des documents qui date de l’érection de l’hôpital au début du vingtième siècle, contient environ deux mètres linéaires de documents textuels, des objets, des documents audiovisuels et environ 40 000 photographies, incluant des négatifs, des plaques de verre et des diapositives. Un élagage va réduire considérablement la quantité de photos puisque des négatifs similaires se trouvent en grand nombre dans le fonds. Les photographies représentent du personnel infirmier, des médecins, autres travailleuses et travailleurs de la santé, du personnel administratif, des bâtiments, des événements de différents départements, etc. Il est possible, à partir de l’organisation et du système de classification sommaire du département audiovisuel, d’identifier des thèmes et les sujets de la grande majorité des documents. Par contre, quelques centaines de photographies demeurent non identifiées.

En lien avec ce processus d’organisation et de description des archives, le Centre d’archives du CUSM élabore présentement un projet d’appel à la participation du public, communément nommé « crowdsourcing. » Les projets d’appel à la participation du public dans les bibliothèques, archives et musées peuvent prendre différentes formes : l’élaboration de cartes, la transcription, l’identification, la contribution de matériel et l’ajout d’information.[1] Au CUSM, notre projet concerne l’identification de photographies de l’Hôpital de Montréal pour enfants.

La construction du projet de « crowdsourcing » s’inspire de réalisations de différents musées, bibliothèques et centres d’archives. Le Smithsonian a érigé un projet massif de transcription de documents qui demande la participation du public. Depuis juin 2013, près de 4000 pages de journaux intimes, de notes, de registres, de manuscrits, d’albums de photos et autres ont été transcrites de façon collaborative et révisées par le musée.[2] Plus près de chez nous, le Service des archives de l’Université McGill fait partie d’un projet collaboratif de transcription de données météorologiques de l’Observatoire de McGill.[3] Concernant des réalisations se comparant à notre activité de description de photographies, le projet d’identification de gens et d’événements représentés dans la collection de cartes postales de la Bibliothèque de l’Université McMaster[4] et l’initiative « Un visage, un nom »[5] d’identification de photographies portant sur les Premières Nations, la Nation métisse et les Inuits de Bibliothèque et Archives Canada nous offrent des exemples dont nous pouvons nous inspirer.

Contrairement aux projets typiques d’appel à la participation du public, généralement conçus pour le Web, nous concoctons cette activité avec une présence physique sur les lieux de l’hôpital. Le fait que nous ne sommes pas présentement outillés pour mener ce projet de façon numérique, comme des bibliothèques, des archives et des musées le font, ne représente qu’une partie qui explique pourquoi nous forgeons ce projet avec une présence physique à l’Hôpital de Montréal pour enfants. Étant donné que la structure organisationnelle et administrative des archives du CUSM est en construction, en progression constante, une présence sur les lieux nous permet, entre autres, de :

  • Faire part de l’existence d’une organisation archivistique du CUSM qui s’affaire à conserver, décrire, rendre disponible et mettre en valeur ses archives
  • Établir un contact direct avec les unités administratives
  • Sensibiliser les départements à la gestion de documents et impliquer les travailleuses et travailleurs dans le processus
  • Souligner la vocation communautaire et éducative du centre d’archives
  • Promouvoir le centre d’archives comme une ressource informationnelle accessible au public
  • Démontrer la valeur et l’importance de la gestion des archives du CUSM, particulièrement en incluant la contribution des travailleuses et travailleurs de la santé dans l’élaboration dynamique de la mémoire collective institutionnelle

Le projet d’identification de photographies nous permettra, nous l’espérons, de faire avancer la description des photographies incluses dans le fonds. Par contre, l’objectif réel de l’initiative est conçu dans un sens élargi qui nous permet d’ouvrir et de développer des discussions concernant les points identifiés ci-dessus. La perspective agrandie du projet positionne l’activité à l’intérieur d’un cadre qui favorise un dialogue dynamique avec la communauté. Ainsi, il est primordial de communiquer avec les participant.e.s avant, pendant et après l’activité afin de forger un engagement entre les Archives et la communauté. Elle invite donc une implication active de la communauté qui va au-delà de la spécificité du projet.[6] Les stratégies de communication concernant la réalisation du projet impliquent la diffusion de l’information à travers les médias sociaux, les plateformes numériques et les publications internes du centre hospitalier. Comme Lesley Parilla et Meghan Ferriter l’indiquent, il est primordial de communiquer avec les participant.e.s après l’activité de « crowdsourcing » afin de donner des comptes rendus sur la progression du projet et de démontrer la valeur de leur contribution.[7]

L’activité d’appel à contribution s’intègre donc dans une perspective de continuum des documents, qui regroupe une multitude de variables associées à la réévaluation constante des perspectives théoriques et pratiques des archives.[8] Le projet favorise le développement de liens avec la communauté et souligne la contribution active des archives à la vie sociale et communautaire de l’institution. De plus, il permet d’établir le Centre d’archives du CUSM comme une ressource nécessaire et importante concernant des éléments associés à la gestion de traces historiques institutionnelles et de mémoire collective.

[1] Lesley Parilla and Meghan Ferriter, “Social Media and Crowdsourced Transcription of Historical Materials at the Smithsonian Institution: Methods for Strengthening Community Engagement and Its Tie to Transcription Output,” The American Archivist 79, no. 2 (Fall/Winter 2016): 438–460.

[2] Smithsonian. “Smithsonian Digital Volunteers: Transcription Center.” http://www.si.edu.

http://transcription.si.edu.html (accédé 11 octobre 2018).

[3] Université McGill. « Sauvetage d’Archives Météorologiques. » http://www.citsci.geog.mcgill.ca/fr.

http://citsci.geog.mcgill.ca/fr/about/draw.html (accédé 16 octobre 2018).

[4] McMaster University Library. “Postcards provide glimpse of Canada’s wintery past.” http://www.library.mcmaster.ca.

http://library.mcmaster.ca/news/postcards-provide-glimpse-canadas-wintery-past.html (accédé 16 octobre 2018).

[5] Bibliothèque et Archives Canada. « Un visage, un nom. » www.bac-lac.gc.ca/fra/Pages/accueil.aspx.

http://www.bac-lac.gc.ca/fra/decouvrez/patrimoine-autochtone/visage-nom/Pages/introduction.aspx.html. (accédé 11 octobre 2018).

[6] Parilla et Ferriter, “Social Media and Crowdsourced Transcription of Historical Materials at the Smithsonian Institution,” 441–446.

[7] Idem, 441.

[8] Voir, par exemple, Sue McKemmish, “Placing Record Continuum Theory and Practice,” Archival Science 1, no. 4 (December 2001): 333–359.

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