Profession

Débat: le gestionnaire de documents, une bullsh*t job?

Par François Cartier, archiviste, Service des archives et de la gestion documentaire de l’INRS

Le texte qui suit et les opinions qui y sont présentées n’engagent que l’auteur.

Il y a vraiment quelque chose qui cloche dans la direction que nous avons prise. Nous sommes devenus une civilisation fondée sur le travail, mais pas le travail « productif » : le travail comme fin et sens en soi. – David Graeber

Je suis récemment tombé sur un article paru dans Le Monde ayant pour titre « Absurdes et vides de sens : ces jobs d’enfer »[1]. Dans ce texte, l’auteure présente un concept relativement nouveau du monde du travail : les bullshit jobs (que l’auteure traduit non moins prosaïquement par « jobs à la con »). Ce concept est originalement présenté en 2013 dans le magazine anglais Strike![2] par David Graeber, anthropologue et professeur à la London School of Economics[3]. Voici comment l’auteur décrit son article :

Mon texte reposait sur une intuition. Nous connaissons tous ces boulots qui, vus de l’extérieur, ne paraissent pas consister en grand-chose : consultants en ressources humaines, coordinateurs en communication, chercheurs en relations publiques, stratégistes financiers, avocats d’affaires… Ou bien ces personnes (très nombreuses dans les cercles universitaires) qui passent leur temps à former des commissions au sein desquelles on discute du problème des commissions superflues. C’est une liste apparemment sans fin.[4]

Le texte de Graeber connait un grand succès : il est traduit en une douzaine de langues et le site de Strike! se met à planter tant les gens veulent accéder à l’article (générant plus d’un million de clics!).

Devant ce succès, David Graeber réalise qu’il a mis le doigt sur quelque chose. Une étude menée en Grande-Bretagne et inspirée par son billet de 2013 montre, chiffres à l’appui, qu’il y avait quelque chose de travers dans le monde du travail :

1. Dans quelle mesure, le cas échéant, trouvez-vous votre travail personnellement satisfaisant?
Satisfaisant 63%
Non-Satisfaisant 33%
Ne sais pas 4%
2. Pensez-vous que votre travail fait une contribution significative au monde?
Fait une contribution significative 50%
Ne fait pas de contribution significative 37%
Ne sais pas 13%
3. Imaginez que vous rencontrez quelqu’un pour la première fois. Vous sentiriez-vous généralement fier, gêné ou non de leur dire ce que vous faites dans la vie?
Fier 49%
Gênant 8%
Ni l’un ni l’autre (opinion neutre) 41%
Ne sais pas 3%
4. Selon vous, quelle est la probabilité que vous changiez d’emploi dans les 12 prochains mois?
Probable 24%
Peu probable 64%
Ne sais pas 12%

Source : https://yougov.co.uk/topics/lifestyle/articles-reports/2015/08/12/british-jobs-meaningless

La deuxième question montre bien comment un nombre significatif de personnes doutent de l’utilité de leur travail. Graeber pousse donc la réflexion et publie en 2018 un bouquin sur le sujet : Bullshit Jobs : A Theory. Dans l’ouvrage, l’auteur avance qu’il existe dans le monde du travail une pléthore d’emplois inutiles qui nuisent à la société et au bien-être des travailleurs.

C’est une lecture fort intéressante et éclairante qui m’a amené à me poser la question : sommes-nous, en tant que gestionnaires de documents[5], des professionnels à qui on confie des jobs à la con?! Attention, ce qui suit risque de vous choquer!

Keynes, le travail et le consumérisme

Mis simplement, une bullshit job[6], c’est un emploi qui, au final, ne sert à rien. Vous êtes là, vous gagnez un bon salaire et on vous apprécie, mais fondamentalement, ce que vous faites ne contribue pas (ou peu) à l’organisation qui vous emploie ni à la société dans laquelle vous évoluez. Pire encore, quand on vous le demande, vous avez souvent de la difficulté à résumer la nature de votre emploi en quelques phrases courtes et précises.

Graeber avance que dans une société utilitariste et capitaliste comme la nôtre, la dernière chose que le marché et les entreprises veulent, c’est de payer les gens à exécuter des tâches qui sont inutiles. Pourtant, note-t-il, c’est ce qu’on voit partout aujourd’hui. Voici comment il résume la question :

En 1930, John Maynard Keynes prédisait que, d’ici à la fin du siècle, les technologies auraient fait suffisamment de progrès pour que des pays comme la Grande-Bretagne ou les États-Unis puissent instaurer une semaine de travail de quinze heures. Tout laisse à penser qu’il avait raison. Sur le plan technologique, nous en sommes parfaitement capables. Pourtant, cela ne s’est pas produit. Au contraire, la technologie a été mobilisée pour trouver des moyens de nous faire travailler plus. Dans ce but, des emplois effectivement inutiles ont dû être créés. Des populations entières, en Europe et en Amérique du Nord particulièrement, passent toute leur vie professionnelle à effectuer des tâches dont elles pensent secrètement qu’elles n’ont pas vraiment lieu d’être. Cette situation provoque des dégâts moraux et spirituels profonds. C’est une cicatrice qui balafre notre âme collective. Et pourtant, presque personne n’en parle[7].

Selon lui, ce que Keynes n’avait pas prévu, c’est la montée et l’omniprésence du consumérisme dans notre société actuelle. En gros, si nous avons choisi de continuer à travailler autant d’heures qu’en 1930, c’est pour satisfaire notre envie de toujours avoir plus de jouets et de petits plaisirs (more toys and pleasures). Bref, on veut des iPhones dernier cri et des voyages dans le sud, et non une semaine de travail plus courte[8]!

Pourtant, note-t-il, entre 1910 et 2000, le nombre de travailleurs issus de l’industrie et du milieu agricole « s’est effondré de manière spectaculaire ». Entretemps, les « professionnels, cadres, employés des milieux de la vente et des services ont triplé, passant du quart aux trois quarts de l’emploi total »[9]. En d’autres termes, les emplois de production ont été, tel que prévu par Keynes, largement automatisés (même en tenant compte du travail des ouvriers chinois ou indiens, par exemple) et ont été remplacés par une large prédominance d’emplois dans les domaines des services et de l’administration.

Les organigrammes de nos entreprises et établissements sont maintenant peuplés par des employés ou consultants hyperspécialisés aux titres aussi ronflants que vides de sens : des administrateurs et managers de tout acabit et des professionnels aux tâches de plus en plus compartimentées. Notre société post-moderne en un organisme, un monstre dirons certains, qui est devenu hyper-administré : « entre la logique de compétitivité, qui nécessite une évaluation permanente, et celle de sécurité, qui entraîne une explosion des normes, on assiste à une extension du domaine du management, et de son vocabulaire qui s’infiltre partout »[10]. N’avez-vous pas déjà dû « gérer » le comportement d’un proche ou d’un ami? Ou même faire circuler un Doodle entre amis pour organiser un 5 à 7? Et Graeber de noter : « Curieusement, quand les dirigeants d’entreprise ont commencé à étudier scientifiquement les modes d’utilisation des ressources humaines les plus efficaces en termes de temps et d’énergie, ils ont négligé de s’appliquer ces techniques à eux-mêmes »[11]. Pas surprenant, donc, qu’on a vu se multiplier les emplois aux vertus douteuses dans l’encadrement et l’administration.

Et nous dans tout ça? Des jobs à la con pour nous garder au travail dans la paperasse et les serveurs d’entreprise?

Après ce long préambule, laissez-moi maintenant me tourner vers les gestionnaires de documents. Dans son texte, Graeber nous les introduit tout naturellement :

«(…) au lieu d’une réduction massive du nombre d’heures travaillées qui aurait libéré la population mondiale en lui laissant le temps de poursuivre ses propres projets, plaisirs, visions et idées, on a assisté au gonflement non pas du secteur des « services », mais du secteur administratif. Cela s’est traduit tout autant par l’émergence d’industries totalement nouvelles, comme les services financiers ou le télémarketing, que par le développement sans précédent de domaines tels que le droit des affaires, l’administration des universités et de la santé, les ressources humaines et les relations publiques.

Et encore ces données ne prennent-elles pas en compte les emplois qui consistent à assurer le support administratif, technique ou la sécurité pour ces industries, ni même l’ensemble des industries auxiliaires (des toiletteurs pour chiens aux livreurs de pizza 24/24), lesquelles n’existent que parce que tous les autres passent la majeure partie de leur temps à travailler pour les précédentes»[12].

Posons-nous alors la question : gérer des documents souvent inutiles créés par des administrations gonflées artificiellement aux stéroïdes n’est-ce pas une bullshit job? S’occuper de la montagne de documents, analogiques et numériques, créés par des administrations inutilement complexes et lourdes ne nous rend pas inutiles – sociétalement parlant – par procuration? Je n’ai pas de réponse claire et précise, mais j’estime que la question mérite d’être posée.

Pour pousser la réflexion plus loin, Graeber propose un exercice intéressant. Imaginons-nous pour un instant que disparaissaient de la surface de la planète tous les médecins, les débardeurs, les éboueurs ou les mécaniciens. La situation deviendrait rapidement catastrophique : les malades mourraient faute de soins, ou bien les ordures s’empileraient en nauséabondes montagnes sur nos trottoirs. Graeber demande alors comment se porterait l’humanité si les PDG, les lobbyistes, les consultants en RH, les experts des milieux légaux et financiers s’évanouissaient dans la nature. Le résultat, soutient-il, ne serait pas aussi clair que dans l’exemple des médecins ou des mécaniciens. Les plus cyniques diraient probablement que le monde s’en porterait mieux!

Demandons-nous maintenant comment se porterait la société si les gestionnaires de documents disparaissaient du jour au lendemain. Et affrontons cette difficile question dans la perspective du numérique. Dans un avenir pas si lointain, même si cela semble encore utopique aujourd’hui, tous les dossiers papier auront été classés et peut-être même numérisés. Que restera-t-il alors pour nous, alors que tout sera dématérialisé? Notre champ de compétence chevauche déjà celui des professionnels en TI, des analystes des procédés d’affaires ou autres maîtres Kaizen et leurs amusantes ceintures colorées. Oui, le monde change et nous devons évoluer avec lui. Nous avons même déjà adopté le langage des TI et des spécialistes en gestion. Nous travaillons de façon transversale, innovante, agile et pluridisciplinaire, à la transformation numérique, tout en développant nos compétences afin de favoriser l’efficience dans une optique globale.

Je pose alors la question : en cette ère du numérique, des Office 365 et Sharepoints de ce monde, des consultants en management aux fonctions aussi floues qu’incongrues, est-ce que nos plans de classification, nos règles de conservations, nos conventions de nommage ou nos bonnes pratiques sont devenus de la bullshit? Sommes-nous devenus inutiles? Les lecteurs de ce blogue répondront assurément par un « non » bien senti. Après tout, une saine gestion documentaire demande qu’on utilise plus que jamais nos outils archivistiques. Nous sommes essentiels!

Mais répondez honnêtement, vraiment honnêtement. Si vous disparaissiez du portrait en un instant, comment se porteraient les organismes pour lesquels vous travaillez? Pensez à demain matin. Qu’arriverait-il? Ou dans une semaine? Un mois? Une année? Votre disparition mettrait-elle en péril l’organisme en question? Bien entendu, la saine gestion des documents en aurait pris pour son rhume. La masse documentaire exploserait. Le repérage de documents serait plus ardu. Des documents seraient inévitablement perdus. L’efficience de l’administration en serait affectée. Mais je le répète : sincèrement, honnêtement, la roue arrêterait-elle de tourner? Rien n’est moins sûr. Peut-être qu’on ne remarquerait même pas votre absence! D’autres trouveraient sans doute des moyens pour remettre un peu d’ordre dans le fouillis documentaire. La taille des serveurs augmenterait. Des pétaoctets de données obsolètes seraient conservés pour toujours dans des salles de serveurs toujours plus vastes (allez voir l’excellent documentaire L’amnésie numérique à ce sujet[13]). Mais la terre continuerait de tourner!

Alors, dites-le vous sans ambages et arrêtez de vous conter des sornettes : notre travail, c’est souvent une job à la con, pour soutenir des administrations inutilement complexes dans un monde où les citoyens ont volontairement décidé que le travail était ce qu’il fallait valoriser plus que toute autre chose, quitte à maintenir des emplois vides de sens. De plus, sur le plan politique et économique, tout cela arrange bien ceux qui mènent la barque et qui s’alimentent des revenus qu’apporte notre consommation effrénée et incessante.

Épilogue : et vous, quelle est votre utilité?

La personne qui vient d’écrire ces lignes est un historien et archiviste. Récemment, il a conçu et aidé à implanter dans son établissement un nouveau plan de classification auquel est rattaché un beau calendrier de conservation tout neuf! Et depuis ce temps, il n’a pas cessé, avec ses collègues, de sensibiliser et former le personnel dudit établissement afin de lui faire comprendre l’utilité de ces outils et des bonnes pratiques en gestion de documents.

Je reconnais, dans le sens aussi théorique que pragmatique, l’utilité de ce que nous tentons de déployer dans nos organisations. Bien appliquées, nos méthodes rendent nos administrations plus efficaces, notamment au niveau de la prise de décisions. Mais, fondamentalement, sont-ils essentiels? La réponse, selon moi, est non. Vous pourrez vous en insurger, me citer la Loi sur les Archives, mais dites-moi en toute franchise quel pourcentage des employés dans vos institutions appliquent vraiment le calendrier de conservation? Si vous me dites une majorité, je ne vous croirais pas. Et vos institutions sont-elles sur le point d’imploser? J’en doute. Des collègues m’ont avoué que dans certains organismes, on se fichait littéralement de la Loi sur Archives. On était même prêt à payer une amende plutôt que de s’y conformer!

Comme Graeber, je crois que la productivité à tout crin est un fléau et que notre choix comme société de faire du travail un idéal sacro-saint est faire fausse route. Je crois aussi comme lui que nos institutions, surtout dans le domaine public, souffrent d’une sévère obésité administrative et que oui, il y a des bullshit jobs à la tonne dans les institutions que nous nous sommes données. En faisons-nous partie? Oui, en partie, car nous sommes occupés à gérer des documents issus d’activités administratives qui sont généralement superflues : gestion de risques, analyse de l’image de marque, optimisation transversale des compétences, normalisation à outrance via une gouvernance névrosée, etc. Comme le mentionne Graeber : « rares sont les boulots ne comportant pas au moins quelques éléments oiseux ou stupides. Dans une certaine mesure, on peut considérer que c’est un effet inévitable de nos organisations complexes, avec leurs innombrables rouages »[14]. Il poursuit : « Ainsi, en 2016, les employés de bureau américains n’auraient consacré aux activités qui constituent le cœur de leur travail que 39 % de leur temps, contre 46 % en 2015, et ce en raison d’un accroissement proportionnel du temps passé à traiter leurs courriels (de 12 % en 2015 à 16 % en 2016), à assister à des réunions « inutiles » (de 8 % à 10 %) et à gérer la paperasse (de 9 % à 11 %) »[15]. Des chiffres de ce genre, on en trouve partout sur Internet[16].

Je m’attends certes à recevoir une volée de bois vert de la part des lecteurs de ce blogue. Mais avant de me couvrir de plumes et goudron (ou pire de me mener à l’échafaud!), j’aimerais bien que vous me disiez pourquoi vous croyez que votre travail, ce n’est pas de la foutaise. Plus que ça : dites-moi pourquoi vous êtes essentiels pour votre organisme et pour la société en général. Ou sinon, parlez-moi de tâches que vous effectuez sans en reconnaître l’utilité.

Au plaisir de vous lire dans la section des commentaires!

***

À propos de l’auteur : Diplômé en histoire et en archivistique, François Cartier œuvre depuis plus de 20 ans dans le milieu des archives. Depuis 2005, il est aussi chargé de cours en archivistique à l’Université de Montréal et à l’UQÀM. Après avoir travaillé comme archiviste dans le milieu des musées, il est maintenant archiviste du Service des archives et de la gestion documentaire de l’INRS.

À relire du même auteur : L’archiviste Sisyphe, ou le mythe de l’éternel recommencement

[1] Lorraine de Foucher. « Absurdes et vides de sens : ces jobs d’enfer ». Le Monde. Page web https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2016/04/22/dans-l-enfer-des-jobs-a-la-con_4907069_4497916.html. Consultée le 6 mars 2019.

[2] Strike! est « collectif dissident » basé à Londres qui se veut franchement ancré à gauche. Il publie, entre autres choses, un magazine bi-annuel du même nom.

[3] Wikipedia ldéfinit Graeber comme un «militant anarchiste américain, théoricien de la pensée libertaire nord-américaine et figure de proue du mouvement Occupy Wall Street ». On est donc aux antipodes du corporatiste de bonne famille que produisent en masse nos écoles de management!

[4] David Graeber. Bullshit Jobs (traduction française). Paris, Les liens qui libèrent, 2018.

[5] Je choisis volontairement ici de parler de « gestionnaire de documents » et non d’archiviste, car je vise spécifiquement les professionnels de notre domaine qui œuvrent à la gestion des documents actifs et semi-actifs dans les organismes publics et privés. Nos collègues qui se dédient à la gestion des archives historiques, nonobstant le concept d’archivistique intégrée, sont dans une barque différente et je choisis volontairement de les laisser de côté dans ce texte.

[6] Graeber définit officiellement ce concept ainsi : « Un job à la con est une forme d’emploi rémunéré qui est si totalement inutile, superflue ou néfaste que même le salarié ne parvient pas à justifier son existence, bien qu’il se sente obligé, pour honorer les termes de son contrat, de faire croire qu’il n’en est rien. »

[7] « In the year 1930, John Maynard Keynes predicted that, by century’s end, technology would have advanced sufficiently that countries like Great Britain or the United States would have achieved a 15-hour work week. There’s every reason to believe he was right. In technological terms, we are quite capable of this. And yet it didn’t happen. Instead, technology has been marshaled, if anything, to figure out ways to make us all work more. In order to achieve this, jobs have had to be created that are, effectively, pointless. Huge swathes of people, in Europe and North America in particular, spend their entire working lives performing tasks they secretly believe do not really need to be performed. The moral and spiritual damage that comes from this situation is profound. It is a scar across our collective soul. Yet virtually no one talks about it. »

[8] Graeber note que la situation contraire (une population productive avec plus de temps libre) est ce que nos élites redoutent plus que tout au monde. Pas pour des raisons économiques, mais plutôt sociales et politiques. Pensez aux contestations des années 1960. Pour garder ses privilèges, le 1% tient au statu quo.

[9] Graeber, ibid.

[10] Lorraine de Foucher, ibid.

[11] Graeber, ibid.

[12] Graeber, ibid.

[13] Voir au https://www.dailymotion.com/video/x4ei6qb

[14] Graeber, ibid.

[15] Graeber, ibid.

[16] Quelques suggestions de lecture :
https://e-meetings.verizonbusiness.com/global/en/meetingsinamerica/uswhitepaper.php

https://fr.atlassian.com/time-wasting-at-work-infographic

https://www.salary.com/articles/why-how-your-employees-are-wasting-time-at-work/

https://www.nytimes.com/2013/02/17/jobs/too-many-office-meetings-and-how-to-fight-back.html

https://www.forbes.com/sites/cherylsnappconner/2015/07/31/wasting-time-at-work-the-epidemic-continues/#392b86901d94

9 réflexions sur “Débat: le gestionnaire de documents, une bullsh*t job?

  1. Bonjour,
    Si les archivistes s’évanouissent dans la nature, au bout d’un certain temps, quelqu’un d’autre reprendrait leurs fonctions, surtout pour la gestion de documents.
    Pour moi, ce qui fait l’essence de notre métier ce n’est pas l’application des lois du plan de classement. Car sont des outils, effectivement dans une certaine mesure, on peut très bien fonctionner sans … Quand on est plongé dans le quotidien, on le perd nécessairement de vue.
    Ce qui est important dans la gestion documentaire c’est la preuve. Il s’agit de s’assurer que chacun puisse faire respecter ses droits (prouver qu’on a payé, qu’on a respecté les règles, qu’on remplit certaines conditions, appuyer des demandes, etc.), s’assurer que les documents essentiels soient en sécurité en cas de problème, s’assurer de leur authenticité aussi. Du point de vue historique la preuve archivistique est le seul moyen de sortir de l’idéologie, de tenter de lutter contre la désinformation.
    L’archivistique ne révèle sa vraie utilité que dans l’urgence ou dans l’adversité (comme les copies de secours des bases de données). Heureusement, pour notre société et nos milieux de travail ça n’arrive pas tous les jours!

    • Bonjour,
      Je suis tout à fait d’accord avec vous. Comme le souligne si justement Me Vincent Gautrais, titulaire de la Chaire L.R.Wilson sur le droit des technologies de l’information et du commerce électronique : « Les archivistes n’ont peut-être pas suffisamment conscience de l’influence qu’ils ont sur le droit applicable en gestion documentaire (conservation – preuve – sécurité). Parmi les sources d’inspiration, il est un principe majeur qui rompt quelque peu avec la tradition juridique, à savoir, la documentation. »
      Les informaticiens sont peut-être ferrés en matière de documentation interne (métadonnées), mais qui, sinon les archivistes, rappellent aux gestionnaires que la documentation externe est tout aussi essentielle (formulaire de numérisation, par exemple)? Le numérique, par la possible faiblesse de l’intégrité des documents, oblige une adaptation des règles de preuve qui se traduit par une contextualisation et une documentation de l’information, cela est d’ailleurs inscrit à l’art.17 al. 4 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information.
      Qui rappellent aux gestionnaires la différence entre copie et transfert? Que la notion de conservation des documents numériques va plus loin que de simples copies de sauvegarde? Dommage que l’importance que revêt le travail des archivistes soit souligné par un juriste…

  2. la satisfaction au travail est fonction de nombreux facteurs sur lesquels la gestion des ressources humaines peut agir : La multitude d’expérimentations et de pratiques empiriques en entreprise, s’accordent pour conclure que la satisfaction au travail est basée sur toute une série de conditions de travail favorables : http://www.officiel-prevention.com/formation/formation-continue-a-la-securite/detail_dossier_CHSCT.php?rub=89&ssrub=139&dossid=464

  3. Je suis comme Chantal, une éternelle optimiste! Je crois simplement que notre travail a évolué car les technologies de l’information ont permis des avancées qui n’étaient pas possibles avant dans le monde uniquement papier. Ainsi, nous sommes passés d’attendre passivement dans notre sous-sol que les documents nous arrivent, à aller intervenir en amont de la création des documents dans l’espoir d’assurer que ces documents nous parviennent et qu’ils soient de qualité. Nous participons maintenant à la gestion de l’information, pas seulement à la gestion des documents et des archives.

    Dans notre mandat de protéger le patrimoine de nos organisations, le plan et le calendrier ne sont que les assises sur lesquelles nous pourront compter lorsque vient le temps de réviser et d’automatiser les processus d’affaires qui sont créateurs de documents.

    Et c’est dans la révision et l’automatisation des processus que notre travail prends maintenant un sens plus concret. En révisant les processus nous travaillons à diminuer la bureaucratie et la paperasse et ainsi, libérer du temps pour les employés afin qu’ils puissent eux se consacrer plus pleinement à leur mission. Dans notre cas à l’INRS : l’enseignement et la recherche. Chaque fois que par notre aide un employé ou une équipe gagne du temps, gagne en productivité, notre travail contribue directement à la réalisation des objectifs stratégiques de notre organisation.

    Donc, oui, nous sommes devenus, pour reprendre le thème du congrès de 2014, des archivistes + ! Nous ne protégeons plus seulement le passé d’une organisation, nous nous sentons concernés par son avenir et voulons participer activement à assurer son succès et sa pérennité.

  4. Ouf! Ça brasse la cage cet article-là. Malheureusement, je ne trouve aucun argument pour vous dire pourquoi je suis essentielle à mon organisation et à la société en général. J’y avais déjà songé d’ailleurs… me comparant aux infirmières si indispensables à la collectivité. Cela étant dit, j’adore mon travail!

  5. Bonjour, effectivement l’archivistique ou la gestion documentaire comme nous l’entendons dans les universités est en mutation. Il y a des emplois qui disparaissent et d’autres qui apparaissent au fil du temps. Je pense que l’archivistique ou la gestion documentaire actuelles ne survivront pas sans changer. Pour les organisations et les entreprises, c’est la transformation numérique ou digitale, c’est le collaboratif, ce sont l’analyse des données, la gouvernance de l’information, l’amélioration des processus par des Workflow qui priment. On ne gère plus des documents mais de l’information, des données et des connaissances. On ne gère plus des documents, on travaille sur les processus et les flux d’informations pour la performance et la productivité de l’entreprise. On gère des projets et du changement. On ne gère plus des documents, on oriente ceux qui les créent et travaillent avec. On ne gérera plus des documents d’archives mais des bases de connaissances et du patrimoine informationnel pour prendre des décisions, pour l’avenir, pour ne pas refaire les mêmes erreurs. On ne conservera pas des documents pour le cas où quelqu’un y ferait de la recherche historique un jour … mais on les conservera pour les réutiliser, pour transférer des connaissances, pour notre savoir et notre mémoire! 🙂

  6. Tous les emplois sont des bullshit jobs: dans 5 ou 7 milliards d’années, notre soleil explosera! Mais l’expansion du soleil détruira la photosynthèse bien avant ça. Et n’oublions pas les trous noirs! Certains scientifiques disent que l’humanité n’a que d’un siècle à un millénaire à exister. Ce que je veux dire par là, c’est que pour le monde immédiat, évidemment que nos jobs ne sont pas vraiment essentielles, mais si ont met ça à l’échelle de l’univers entier, tous les emplois ne sont pas essentiels.

    Un emploi, c’est une construction sociale stabilisante, ça nous permet de se définir, de se donner un rôle dans la société. On est des bibites de sens: on donne un sens aux phénomènes météorologiques, à nos vies… à nos jobs.

    Les animaux dans la nature n’ont pas d’emplois (ni de médecins ou d’éboueurs), ce n’est pas « nécessaire » d’en avoir un pour simplement exister, vivre. Mais les animaux ont des rôles par contre, et nous aussi; la seule différence, c’est qu’on a collé un paycheck à nos rôles, pour le meilleur et pour le pire.

    Nous sommes également une espèce empathique, on va créer des emplois pour tous, même s’ils sont pas vraiment utile. A-t-on vraiment besoin d’emballeurs à l’épicerie? Non, mais ça permet, entre autre, à une minorité handicapée de se trouver un rôle, de s’insérer dans la société humaine. Les jobs à la con servent à l’insertion sociale, dans une certaine mesure.

    Le sens est une illusion stabilisante pour nous, singes dotés d’intelligence développée, maintenant faut juste l’accepter et marcher son ptit chemin dans la vie, à mon humble avis.

  7. Effectivement, on se perçoit parfois comme une femme de ménage qui coûte cher. 🙂 Je compense en faisant du bénévolat pour une société d’histoire et un service d’archives régional. Et même là, je me questionne sur l’utilité, combien de fonds historiques seront consultés?

    • Salut, je suis content. Au moins comme archiviste on se compare aux femmes de ménage. Dans le passé comme architecte on se comparais aux putes, être là pour faire plaisir aux clients.

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