Congrès

La préservation des logiciels

Dans le cadre du projet Reporteurs étudiants 2019, nos reporteurs ont eu, entre autres, à rédiger des comptes rendus de conférences. Ce compte rendu a été rédigé par Paméla Gagnon

Conférence : La préservation des logiciels

Conférencière : Mireille Nappert, Centre canadien d’architecture

Lorsqu’il est question de préservation, les documents d’archives mènent en soi la grande partie de la discussion. Toutefois, avec la rapidité des avancées technologiques et la désuétude qui en découle, il devient de plus en plus important de réfléchir à préserver le contenant de ces archives numériques; les logiciels.

Lors du 48e congrès de l’Association des archivistes du Québec, la conférencière Mireille Nappert aborde le sujet. Mme Nappert n’est pas à sa première conférence sur les archives numériques. Elle détient, entre autres, une maîtrise en Library & Information Science de l’Université de Mc Gill ainsi que plusieurs années d’expérience en tant qu’archiviste numérique.

Des logiciels et des fichiers

La conférence intitulée La préservation des logiciels commence par l’identification des composants derrière les logiciels. Les logiciels archivistiques, médicaux ou récréatifs sont de plus en plus présents au quotidien et leurs composantes informent sur les développements technologiques. Bien les comprendre permet de mieux encadrer leur préservation et leur diffusion.

Du binaire jusqu’aux applications mobiles, le numérique a fait énormément de chemin. Cela a mené à la multiplicité des logiciels qui, en parallèle, a créé une multiplicité de formats de fichiers. Plusieurs outils disponibles en ligne permettent d’identifier le format des fichiers sans s’arrêter uniquement à leur extension qui peut parfois être corrompue. Il s’agit d’outils tels que PRONOM ou TrID. Ils permettent, entre autres, d’établir les logiciels compatibles avec ce format de fichier. Des outils comme COPTR permettent, quant à lui, de cibler les logiciels utiles pour la préservation à long terme.

Pourquoi préserver des logiciels?

Toutes ces informations sont bien intéressantes, mais quelle est l’utilité de préserver des logiciels? Mme Nappert souligne que ces derniers font maintenant partie de notre quotidien. Chaque jour, lorsque nous utilisons notre cellulaire, notre ordinateur (et maintenant même notre frigidaire intelligent!), ce sont des logiciels que nous utilisons.

Le plus grand enjeu, de nos jours, est la mise à jour de plus en plus fréquente de ces logiciels. Il n’est pas toujours possible de retrouver les versions précédentes de certains d’entre eux. Puisqu’ils font partie de notre quotidien et qu’ils apportent parfois des métadonnées supplémentaires sur les documents d’archives, ils forment donc une partie non négligeable de notre patrimoine.

Rappelons aussi que certaines mises à jour rendent des versions de fichier antérieures inutilisables ou apportent des modifications aux documents. À ce moment, pour avoir accès à la copie originale du document, des versions antérieures du logiciel sont nécessaires. De plus, si aucun logiciel n’offre la possibilité de lire le document, l’information se voit alors perdue. La conférencière explique que l’interface initiale, celle utilisée lors de la création des documents, apporte des informations supplémentaires sur le contexte de création de ceux-ci.

Comment préserver des logiciels?   

Il y a peu de publications francophones sur la préservation des logiciels en comparaison avec le milieu anglophone. Pour trouver de l’information sur le sujet, il faut explorer la littérature anglophone et parfois même s’aventurer dans l’univers des jeux vidéos. Ces derniers possèdent un grand nombre d’admirateurs intéressés à plonger dans les versions primaires de certains jeux. Il existe donc plusieurs partenariats et la possibilité d’avoir accès à des versions anciennes des logiciels nécessaires à leur exécution. Le tout dans l’objectif d’être le plus près possible du contexte original du jeu en question. L’univers des jeux vidéos est donc une bonne source d’inspiration.

Les initiatives

Il est important de documenter les logiciels pour en assurer la préservation. Il faut s’intéresser à leurs spécificités, aux différentes versions, aux fonctions offertes, etc. Des captures des logiciels offrent aussi la possibilité de voir les documents d’archives dans leur contexte original.

Des pourparlers sont en cours avec l’industrie pour souligner l’importance de préserver les logiciels antérieurs et pour garantir l’accessibilité à ceux-ci. Toutefois, le droit d’auteur a le dernier mot. Les logiciels libres d’accès offrent plus d’ouverture à ce sujet, mais il y a encore beaucoup de chemin à faire pour ce qui est des logiciels propriétaires.

L’émulation est une autre option : Elle permet de réutiliser d’anciennes versions d’un logiciel mais les commandes sont parfois limitées et elles ne fonctionnent pas toujours comme dans leur version initiale. De plus, elles ne sont pas universelles. L’utilisation d’un système d’exploitation différent peut limiter son accès. Puis, comme la majorité des initiatives prévues pour préserver les logiciels, la légalité n’est pas au rendez-vous.

Sur le web, plusieurs initiatives d’archivage de logiciels sont déjà en cours, mais ils concernent principalement les logiciels en libre accès. Pour ne nommer qu’eux, il y a l’Internet Archive Software Collection et l’organisme Software Preservation Network.

Réflexion, enjeu et débat

La préservation des logiciels soulève plusieurs questions dans le monde des archives. Jusqu’où va la préservation du patrimoine? Doit-on vraiment tout conserver? Le débat est encore divisé entre les archivistes.

Lors de la conférence, certains se sont même questionnés à savoir si la préservation des logiciels concernait aussi les petits centres d’archives. Il a été soulevé qu’un partenariat serait bénéfique ou même qu’un tel projet soit entrepris par un organisme national.

Il faut pourtant toujours revenir à la question du droit d’auteur. La législation canadienne n’est pas précise sur la préservation et l’utilisation des logiciels. Il est question d’utilisation équitable et non commerciale. Toutefois, leur utilisation pour la préservation pose problème pour ce qui est de l’accessibilité.

Mme Nappert souligne, en conclusion, l’importance de ne plus avoir de zones grises à ce sujet dans la législation canadienne. Elle rappelle qu’il ne faut pas, non plus, se fier aux compagnies pour conserver ou rendre accessible leurs logiciels. Il ne faut donc pas attendre pour préserver les logiciels puisqu’ils constituent une partie de notre patrimoine.

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