Congrès

Retour sur le congrès 2017 : L’évaluation monétaire chez BAnQ

Dans le cadre du projet Reporteurs étudiants 2017, nos reporteurs ont eu, entre autres, à rédiger des comptes rendus de conférences. Ce compte rendu a été rédigé par Christine Turgeon.

Témoins des conversations de couloirs au congrès, nous avons surpris quelques archivistes aborder la question de l’évaluation monétaire et de ses difficultés. Plusieurs ont affirmé se sentir dépassés par cet aspect de leur travail et avoir recours à des évaluateurs externes afin de répondre à leurs besoins. Pendant plusieurs années, ce fut aussi le cas de BAnQ qui, par souci d’économie, a choisi à l’automne 2007 de former une équipe d’évaluateurs pour ses archives. Celle-ci n’intervient pas dans toutes les situations d’évaluation (selon la valeur présumée de l’évaluation ou la nature des documents qui nécessite parfois un avis spécialisé). Par contre, elle permet d’alléger le fardeau économique relié à l’embauche de spécialistes externes. Avec le temps, les archivistes siégeant au comité d’évaluation de BAnQ ont développé une expertise dont ont pu profiter les participants de l’atelier-conférence, La pratique de l’évaluation monétaire à l’interne grâce à Sophie Morel et Hélène Fortier.

Crédit: Isabelle Dion

L’activité s’est déroulée en deux temps. D’abord, les conférencières ont fait un tour d’horizon de l’évaluation monétaire en abordant la méthodologie, les outils et les ressources nécessaires à leur travail. Ensuite, les participants ont pu tester leur compréhension en examinant des ensembles documentaires et en tentant d’évaluer leur juste valeur marchande. L’application concrète de leurs explications était primordiale pour nos animatrices, l’évaluation monétaire étant trop souvent abordée d’un point de vue purement théorique. Or, c’est seulement par la mise en pratique que l’on acquiert les réflexes et les connaissances nécessaires à une évaluation juste et réussie. Dans le cadre de ce compte-rendu, il nous est malheureusement impossible de vous faire bénéficier des avantages pratiques de cet atelier. Toutefois, ils ont permis à notre reporter et aux congressistes de mieux intégrer la partie théorique qui vous sera livrée ici.

En premier lieu, il convient de rappeler les motifs qui justifient une évaluation monétaire. Au Québec, la loi fiscale permet à tout donateur d’archives d’obtenir des avantages fiscaux à la réception d’un reçu émis par le centre d’archives. De plus, il peut arriver, dans différentes situations (prêts, exposition, etc.), qu’un ensemble documentaire doive profiter d’une couverture d’assurances. Dans ces perspectives, une évaluation de la juste valeur marchande de ces documents est essentielle. Nous pouvons admettre que l’évaluation monétaire n’est pas un passage obligé pour tous les fonds d’archives et que, par conséquent, certains n’en feront jamais l’objet. Par ailleurs, l’évaluation monétaire concerne exclusivement les archives définitives. Tous les archivistes ne seront donc pas appelés à l’effectuer dans le cadre de leur travail, d’autant plus qu’elle est souvent réalisée par des experts externes, tel que nous l’avons mentionné. Cependant, dans un contexte où les ressources financières sont limitées dans la majorité des centres d’archives, il peut être utile d’en connaître les bases.

Crédit: Isabelle Dion

Dans ces circonstances, l’archiviste qui effectue une évaluation monétaire doit se préparer. Marcel Caya explique que l’évaluation archivistique doit précéder toute évaluation monétaire. C’est pourquoi le rôle de l’archiviste est primordial à toutes actions entreprises avant l’évaluation monétaire. De ce fait, il veillera à effectuer le traitement archivistique complet de l’ensemble documentaire le plus rapidement possible (la loi fiscale stipule un délai maximal de cinq ans pour l’émission du reçu d’impôt). En plus de fournir une description précise du contenu du fonds, ce traitement permettra à l’archiviste d’identifier les documents ou les séries de documents d’intérêt, épargnant ainsi beaucoup de temps à l’évaluateur. À BAnQ, la première partie de l’évaluation sera remplie par l’archiviste, celui-ci inclura des informations issues des dossiers d’acquisition et de traitement et renseignera l’évaluateur sur les documents soumis à l’évaluation. Il est important d’aviser le donateur que tous les documents qui ont fait l’objet du don ne seront pas nécessairement évalués, on s’attardera seulement aux documents qui ont passé le traitement archivistique. L’archiviste s’assurera aussi de rendre le fonds accessible pour l’évaluation et de mentionner l’équipement nécessaire à la consultation des documents. C’est alors que l’évaluateur entre en jeu. Sophie Morel précisait : « Alors, on enlève son chapeau d’archiviste et on met celui d’évaluateur. » Il faut effectivement appréhender l’ensemble documentaire sous un œil différent de celui auquel nous sommes habitués. D’ailleurs, les participants ont pu expérimenter cette difficulté lors de l’atelier pratique : il ne faut pas évaluer la valeur patrimoniale du fonds, mais plutôt s’attarder à sa valeur monétaire. Notons au passage que par un souci de transparence qui élimine toute forme de conflit d’intérêts, l’archiviste qui aura acquis un fonds sera exclu de toute discussion relative à son évaluation monétaire. Par conséquent, l’évaluation monétaire nécessite une certaine préparation de la part des évaluateurs.

À BAnQ, c’est en s’appuyant sur le rapport d’évaluation rempli par l’archiviste que les membres du comité feront, individuellement, une recherche d’information. Ils s’intéresseront au contenu sous l’angle des différents critères d’évaluation (que nous verrons bientôt), mais ils tenteront aussi de trouver des évaluations monétaires semblables qu’ils pourront utiliser comme comparables. Pour ce faire, plusieurs ressources peuvent être utilisées. BAnQ a, par exemple, créé un simple fichier Excel qui regroupe les évaluations précédentes. Par recherche plein texte, il est possible pour l’évaluateur d’avoir rapidement accès à des comparables. Il est entendu qu’au début d’un processus d’évaluation à l’interne, le comité ne dispose pas de la richesse d’un tel historique, par contre, s’il en a la chance, il pourra s’appuyer sur des évaluations produites par le Conseil national d’évaluation des archives (CNÉA), comme c’est le cas à BAnQ. Outre ces comparables, les sites de vente en ligne, tels qu’eBay et autres sites de collectionneurs, peuvent être très utiles pour interroger le marché. L’internet foisonne d’informations et il ne faut pas hésiter à se référer à cette ressource gratuite et facile d’accès. Finalement, quand c’est possible, les évaluateurs peuvent aussi questionner leurs collègues experts au sein même de leur organisation. Chez BAnQ, le comité de cinq à sept évaluateurs se réunit deux à trois fois par année. Lors de chacune des séances menées de façon confidentielle, plusieurs fonds sont évalués. Chacune des séances se déroule sous forme de discussions entre les membres du comité qui examinent les fonds, en estiment la valeur, puis tentent d’arriver à un consensus. Bien entendu, les décisions sont prises en fonction de certains critères qui guident le processus d’évaluation. Pour vous donner une vision juste des critères qui influencent, à la hausse ou à la baisse, la valeur d’une évaluation, nous avons repris la liste figurant dans le diaporama présenté par nos conférencières :

  • Authenticité
  • Ancienneté
  • Complétude de l’ensemble documentaire
  • Unicité, rareté, originalité
  • Valeur historique et potentiel de recherche
  • État de conservation
  • Qualité esthétique et potentiel d’exposition

Il apparaît évident que tout ensemble documentaire qui nécessite une intervention drastique et coûteuse (restauration, transfert de support…) verra sa valeur diminuée. En outre, des restrictions abusives au niveau de la consultation ou un manque de lisibilité et de disponibilité des lecteurs du support en feront de même. Enfin, le comité remplit la deuxième partie du rapport d’évaluation où sont énoncées les justifications, les politiques et les conditions d’évaluation. Les conférencières ont insisté sur l’importance de ventiler les montants attribués à un ensemble documentaire par types de documents. Cette ventilation facilitera les références futures en fournissant un comparable clair et précis, surtout si l’évaluateur s’assure d’effectuer la mise à jour de son inventaire d’évaluations comparables. Quoi qu’il en soit, là ne s’arrête pas le travail de l’évaluateur, il doit informer l’archiviste de la décision rendue et, dans le cas d’une évaluation pour une assurance, informer la personne responsable du projet. Pour sa part, l’archiviste a la tâche, parfois délicate, de communiquer le résultat de l’évaluation au donateur et de préparer, le cas échéant, le reçu fiscal. Pour des raisons évidentes, le rapport ou le nom des évaluateurs ne seront divulgués en aucun cas. Dans la perspective où le donateur serait mécontent de la valeur attribuée à son don, il peut demander une deuxième expertise. Toutefois, cette dernière se fera aux frais du demandeur.

En conclusion, pour des raisons économiques ou tout simplement pour développer leur autonomie, les organisations choisissent souvent de mener les évaluations monétaires à l’interne. Les archivistes, peu formés à cette tâche, se sentent alors dépassés. Sophie Morel et Hélène Fortier nous ont démontré qu’en organisant et définissant précisément le processus, il est possible de développer ses habiletés. L’archiviste possède déjà les outils nécessaires à la réalisation de cette tâche. En conséquence, l’assiduité, le travail d’équipe et la construction d’un simple registre de référence seront les facteurs qui garantiront le succès de l’entreprise dans l’organisation. Lorsque vous possédez les outils et les connaissances nécessaires à évaluer la juste valeur monétaire, il faut savoir se faire confiance, l’aisance de l’évaluateur se gagne avec la pratique. Et surtout, si vous avez la chance de profiter de mentorat et de bénéficier de l’expérience de quelqu’un d’autre, profitez-en!

***

*Notre reporteur remercie Sophie Morel, qui a pris le temps de réviser ce texte

Pour aller plus loin :

https://www.archivistes.qc.ca/revuearchives/vol28_1/28-1-caya.pdf

http://www.archivistes.qc.ca/revuearchives/vol45_2/45_2_lebeau.pdf

http://www.banq.qc.ca/dotAsset/9af88935-2661-4aa6-9d77-12e38b2cb462.pdf

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