Archives au quotidien

Utilisation des archives : le projet Ligne de vie de Dominique Laquerre

Par Anabelle Vacher, étudiante à l’EBSI

Dominique Laquerre est une artiste qui détient un diplôme d’études supérieures spécialisées en gestion d’organismes cultures de HEC Montréal. Laquerre est une personne impliquée et il a réalisé plusieurs mandats avec différents organismes du Centre-du-Québec. Elle est présentement directrice du Centre d’art Jacques-et-Michel-Auger, un centre d’exposition d’arts visuels et médiatiques contemporains du Carré 150 à Victoriaville. Cette artiste déploie sa pratique des arts aux travers divers supports, que ce soit la photographie, le dessin ou la sculpture. Passionnée de nature et d’histoire, ces deux sujets se retrouvent toujours dans ses œuvres. L’archive est une de ses matières favorites pour construire ses œuvres.

Le père de Dominique Laquerre était photographe et dès sa plus tendre enfance, elle a vu son père travaillé sur le développement de photographie argentique plongé dans un liquide révélateur. La photographie a donc toujours fait partie de sa vie et a une grande place dans sa mémoire. Plus tard, elle a dû regarder sa mère, une libraire, tranquillement perdre sa mémoire à la fin de sa vie. Le livre de la vie de sa mère c’est tranquillement effacé dû à l’Alzheimer, mais de cette épreuve, l’histoire et la mémoire a pris un tout autre sens pour Laquerre qui en a fait un sujet d’étude.

Ligne de vie est une des nombreuses œuvres de Dominique Laquerre. Il a fallu deux ans de recherches pour que l’artiste puisse finaliser cette œuvre qui, en quelque sorte, s’est imposée à elle. En effet, Laquerre réside dans une ferme bordée d’un boisé d’érables centenaires qui ont su échapper à la coupe en blanc des dernières années. Le projet à commencer à se dessiner alors que l’artiste se promenait dans ces bois en compagnie de M. Andrée Fréchette petit-fils de celui qui avait initialement construit la maison.

Laquerre, D. (2006). Ligne de vie [Image en ligne]. Consulté sur : https://dominiquelaquerre.net/#/nacht/.

Laquerre a exploré plus amplement l’histoire de la maison et du terrain à l’aide de 21 archives photographiques récitant la mémoire de ceux qui avaient habité cette demeure avant elle. Ceux qui ont exploité la ferme y avaient bâti deux maisons, dont la première date du dix-neuvième siècle relatant la vie des Fréchette, Bélanger et Gélinas. Lors de la construction des maisons, les propriétaires avaient fait couper une partie des arbres, mais avaient épargné des érables, c’est ainsi que Laquerre va bâtir son idée d’exposition.

À l’aide d’expérimentations en arboriculture, l’artiste a réalisé une exposition d’art-nature. C’est ainsi qu’elle a inséré sous l’écorce des érables, avec un grand respect pour la nature, les photographies argentiques imprimées sur des plaques d’aluminium. Le temps laissera l’écorce se cicatriser et recouvrir tranquillement les images, qui eux-mêmes s’effaceront avec les jours qui passent et les intempéries.

Ainsi, l’exposition naturelle de Dominique Laquerre est particulière, car elle fait interagir l’histoire et son environnement. L’artiste a permis que l’on puisse marcher dans la mémoire des lieux, puisque nous pouvions observer des photographies historiques relatant l’histoire des familles qui ont bâti les maisons, travailler sur ses terres et épargner les arbres qui aujourd’hui servent de chevalet. Ces arbres centenaires ont vu le temps passer, et comme les lignes qui se dessinent dans leurs troncs, les photographies créées cette même ligne de temps qui à leur tour seront oubliés.

Laquerre, D. (2006). Ligne de vie [Image en ligne]. Consulté sur : https://dominiquelaquerre.net/#/nacht/.

L’exposition éphémère qu’est Ligne de vie de Dominique Laquerre a su utiliser les archives de manière inventive en exposant le passé au présent tout en reliant à l’avenir, qui effacera leurs traces. Il semble qu’il soit inévitable d’oublier, de perdre la mémoire, mais l’histoire reste tout de même gravée que ce soit dans les troncs d’un arbre, dans la terre ou dans les centres d’archives historiques. C’est grâce à ces traces laissées qu’il est possible de bâtir et de relater l’histoire. C’est grâce à ces traces que Laquerre a su nous exposer cette ligne de vie, nous rappelant l’importance de se souvenir de ce qui est déjà passé et de l’apprécier pour ce que cela nous donne dans le moment présent.

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* Ce texte est une version révisée et augmentée d’un travail pratique réalisé dans le cadre du cours ARV1056 – Diffusion, communication et exploitation – donné au trimestre d’hiver 2020 par Yvon Lemay à l’EBSI, Université de Montréal.

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