Gouvernance et culture organisationnelle

Gestion et gouvernance de l’information dans les organisations

Par Florian Delabie, consultant en sécurité de l’information chez Sopra Steria et membre du Conseil d’administration de l’Association des archivistes francophones de Belgique

La gestion & préservation de l’information, pilier de la stratégie des organisations dans un monde digital

Récemment, j’ai été amené à participer à un débat organisé par l’Association des Archivistes Francophones de Belgique qui posait la question de savoir comment convaincre les dirigeants des organisations d’investir dans la gestion & préservation de l’information (GPI). Je profite de cette tribune pour revenir sur ce débat et sur les grands points mis en avant lors de celle-ci.

Définir la gouvernance de l’information

La gouvernance de l’information est un terme assez « trendy » mais qui ne possède pas encore de définition univoque à l’heure actuelle, bien qu’il existe une initiative de normalisation au niveau de l’ISO. Notons toutefois, comme le précisait un des autres intervenants au webinaire que le terme de gouvernance en lui-même fait initialement référence à une approche optimisée dans la gestion de l’Etat. Le parallèle est ici aisé avec l’origine étymologique du terme archives, arkheion – archivum, qui fait référence à la gestion de la cité.

Pour définir la gouvernance de l’information dans nos organisations du troisième millénaire, on a coutume d’énoncer les objectifs de cette approche ; à savoir maximiser la valorisation des assets informationnels tout en minimisant les risques et les coûts liés à la conservation de ceux-ci. Il s’agit d’une approche stratégique, holistique et qui considère l’information comme un asset, une ressource que l’organisation doit gérer au même titre que les assets informatiques, les ressources humaines ou financières. La gouvernance de l’information englobe donc une série de sujets et thématiques tel que la sécurité de l’information, la protection des données à caractère personnel, la business intelligence, le data management, … et donc également la gestion & préservation de l’information.

 Convaincre le management

Pendant longtemps, les gestionnaires de l’information ont tenté de convaincre de l’utilité de leur projet, notamment l’implémentation d’outil de GED ou SAE, au travers de mesures de valorisation des projets assez classiques : rendements futurs, return on investment, gain de productivité en temps de travail etc. Force est de constater que ces arguments ne sont pas toujours les plus pertinents pour initier des projets de GPI.

Dès lors, l’approche de la gouvernance de l’information trouve tout son intérêt. Il permet avant tout de « remonter » le débat dans l’organisation. Là où nous avions précédemment tendance à discuter au niveau opérationnel (mise en place d’une GED, configuration des métadonnées, …), il convient de pouvoir désormais positionner la GPI comme une question qui doit se discuter au niveau tactique mais aussi et surtout au niveau stratégique de l’organisation.

A l’instar de la sécurité de l’information, ou de la protection des données, la raison principale de mettre en place des mesures liées à la gestion & préservation de l’information (GPI) sont à trouver dans la gestion du risque. Il convient avant toute chose de pouvoir identifier et minimiser les risques liés aux assets informationnels d’une organisation. Ces risques peuvent être :

  • Légaux (mise en conformité GDPR pour les délais de conservation) ;
  • Financiers (risque d’amende, de pénalité ou lié à la perte d’un document) ;
  • Patrimoniaux (perte de connaissance de l’organisation) ;
  • Réputationnels (perte de confiance des « clients » et stakeholders) ;
  • Mais aussi et surtout opérationnels (avoir accès rapidement au bon document, prendre des décisions sur des informations fiables, …)

Au-delà de cette minimisation des risques, les projets et systèmes de gestion & préservation de l’information permettront également de maximiser l’efficience des organisations. Ceci se traduit notamment par une vision holistique des assets informationnels, l’optimisation des espaces de stockage, la rationalisation de la gestion documentaire ou encore une meilleure gestion & sauvegarde des connaissances de l’organisation.

Quelle contribution pour les professionnels de la gestion & préservation de l’information ?

 La gestion & préservation est encore (trop) souvent uniquement vue comme un élément opérationnel de l’organisation et se concentrant par exemple sur la configuration d’un outil (SharePoint, Alfresco, …) ou des métadonnées. Preuve en est, lorsque l’on regarde les organigrammes des organisations on doit souvent se plonger dans les niveaux inférieurs pour retrouver trace d’une équipe de gestion de l’information ; si tant est qu’elle existe.

Or comme nous le mentionnions, la gestion & préservation de l’information est aussi (et surtout) une question stratégique pour les organisations. Le gestionnaire de l’information, quel que soit son titre, doit dès lors pouvoir agir au plus haut niveau de l’organisation sans dépendance hiérarchique et avec une vision d’ensemble. A l’instar d’un Chief Information Security Officer (CISO) ou d’un Data Protection Officer (DPO), il/elle a un rôle de conseiller pour tout ce qui touche au cycle de vie de l’information, à son identification & classification, aux mesures implémentées afin de garantir l’intégrité et l’authenticité, ou encore la préservation long-terme des assets informationnels. Le/la gestionnaire de l’information devra également pouvoir s’entourer de personnes relais dans les différents départements ou business unit de l’organisation pour faciliter la communication et être au plus près des besoins des utilisateurs.

L’approche de la gouvernance de l’information, permet de facto de faire remonter ces questions au niveau stratégique des organisations. Cela permet également de faciliter la coordination dans les démarches et les mesures, notamment organisationnelles, à mettre en place. Elle permet notamment de rationnaliser les efforts en matière de communication ou de formation autour de sujets proches.

La transformation numérique des organisations dématérialise de plus en plus les pratiques documentaires et impose donc une réelle prise de conscience des décideurs quant à l’importance des enjeux stratégiques que recouvrent la GPI. A charge des professionnels de la gestion & préservation de l’information de pouvoir se positionner et apporter leur expertise et leur vision pour permettre aux organisations de maximiser la valorisation de leurs assets informationnels tout en minimisant les risques et les coûts qui y sont liés.

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*Le texte a préalablement paru sur le LinkedIn de l’auteur le 2 avril 2021 et est repris ici avec l’autorisation et la collaboration de l’auteur. Nous vous invitons à suivre sa page pour en lire davantage.

CC BY 2.0 SOURCE

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