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La conservation des sceaux : techniques, difficultés et réussites

Par Béatrice Couture, étudiante à l’EBSI

La conservation des documents anciens, et plus particulièrement des documents scellés, représente un réel défi pour les centres d’archives. Pour s’assurer de l’intégrité de ce type de document, de nombreuses conditions, à la fois physiques, chimiques et mécaniques, doivent être respectées. La création de conditionnements adaptés, et qui respectent ces conditions, est ainsi la solution idéale pour s’assurer de la pérennité, de l’accessibilité et de l’étude des sceaux.

Les mesures de préservation générale – Les facteurs physiques

Avant toute chose, il semble important de rappeler les conditions optimales de conservation des documents scellés. Comme le rappelle Michel Monnerie, « ce qui est bon pour les parchemins et les papiers ne saurait être mauvais pour les sceaux ». Ainsi, les taux d’humidités, les températures moyennes et l’exposition à la lumière sont les mêmes pour les sceaux que pour les documents papier.

Le contrôle de la température est un facteur crucial pour l’intégrité des sceaux et des empreintes. Il est donc vivement conseillé d’éviter les expositions à des températures plus grandes que 30 °C, température où les cires commencent à ramollir. Les manipulations prolongées sont ainsi à éviter puisque la température des mains peut avoir des conséquences non négligeables sur les sceaux. Une exposition à une température inférieure à 10 °C est également à éviter puisque cela peut entrainer la fissuration et des cassures.

Les mesures de préservation générale – Les facteurs mécaniques

La cire est un matériel friable et cassant et un bris causé par un simple choc est bien souvent irréversible, et ce, même entre les mains des plus grands conservateurs. Les documents scellés doivent ainsi être manipulés et entreposés avec soins.

L’écrasement des documents est un facteur de risque important ; la cire reste toujours fluente et une pression à long terme sur les sceaux entrainera certainement une perte de détails de l’empreinte. Les conditionnements doivent éviter les pressions et les documents scellés ne peuvent être sanglés dans des liasses de documents.

Les documents scellés doivent également être conservés à plat puisque les lacs sont particulièrement fragiles et que le poids des sceaux peut entrainer un détachement ou un bris du support.

Les différentes méthodes de conditionnement

La question à savoir quel est le meilleur conditionnement pour les documents scellés ne fait pas l’unanimité. En effet, il n’y a pas un type de conditionnement qui s’applique de façon généralisée pour protéger les sceaux. On doit donc s’assurer d’évaluer les besoins de chaque document, et ce, en respectant les budgets et les particularités de son propre centre d’archives.

Les conditionnements groupés

Minimalement, pour s’assurer de la conservation des sceaux, il est recommandé de faire un conditionnement groupé où chaque sceau est protégé par une enveloppe ou un sachet. Les enveloppes furent utilisées dès la formation des chancelleries médiévales et plusieurs techniques sont observables dans certains centres d’archive. On trouve ainsi, au Québec, des sceaux qui furent protégés par du papier par les chancelleries françaises et anglaises. Aujourd’hui, si l’on opte pour les enveloppes, il est grandement recommandé d’utiliser du papier neutre. Cette méthode de conservation est ainsi particulièrement économique, mais elle ne prévient en aucun cas les cassures. Les sachets sont donc une meilleure façon de conserver les sceaux à l’intérieur des conditionnements groupés.

Image 1 Sachet de type bourse

L’utilisation des sachets a également vu une évolution importante dans les derniers siècles. Douët D’Arcq parle d’ailleurs de cette méthode de conservation dès la création des Archives nationales de France ; « j’ai essayé cependant de meilleurs sachets, j’ai fait faire des boîtes mieux combinées et définitives, j’ai renoncé aux unes et aux autres, moins à cause de la dépense, qui est cependant à considérer quand il s’agit de cinquante mille boîtes ou sachets, qu’à cause de son inutilité […] ». Les archivistes modernes ont conservé cette méthode et privilégient les sachets en tissus (principalement faux satin [acétate], coton et feutre). De plus, les sachets de type « bourse » restent les meilleurs puisque leur manipulation est facile et permet aux sceaux et aux lacs de respirer.

Les enveloppes et les sachets doivent être combinés avec d’autres types de conditionnement et, le plus souvent, sont utilisés avec des chemises à rabat. Celles-ci permettent d’économiser temps et espaces puisqu’elles sont standardisées. Cependant, elles nécessitent que les documents visés par une intervention soient de petit ou moyen format, ce qui n’est pas souvent le cas.

Image 2 Chemise à rabat

L’utilisation de chemises à rabats combinées avec un sachet en tissus est donc une solution qui peut s’appliquer à un volume important de documents scellés et qui est la plus adaptée dans le contexte de restriction économique pour les centres d’archives. Certaines pièces méritent cependant un soin particulier et c’est pour cette raison que les conditionnements individuels doivent également être abordés.

Les conditionnements individuels

Certains documents sont particulièrement importants pour les centres d’archives et souvent, les documents scellés tombent dans cette catégorie. Ainsi pour ce type de document il faut plutôt privilégier les conditionnements individuels malgré qu’ils soient coûteux et volumineux.

La boîte à plateaux représente un conditionnement à mi-chemin entre les conditionnements groupés et les conditionnements individuels. Créée sur mesure, une boîte accueille généralement entre quatre et huit documents, selon leur grandeur. Il s’agit de créer un calage dont le fond est recouvert d’une mousse de polyéthylène. Les chocs seront ainsi absorbés. Le calage doit laisser le document et son sceau respiré, puis le tout doit être protégé par un Mylar pour s’assurer qu’il ne soit pas exposé à la poussière.

Image 3.1 Boîte à plateau

Image 3.2 Boîte à plateau

Cette méthode permet donc une protection complète de documents puisqu’elle élimine toute la pression des sceaux en plus d’absorber les chocs.

La boîte individuelle représente également de nombreux avantages. Construite sur le même principe que les plateaux des boîtes à plateau, ce conditionnement est conçu pour les documents les plus fragiles et les plus précieux. La pression et les chocs sont quasiment absents ce qui permet une conservation idéale.

Image 4 Boîte individuelle

L’application de toutes ces recommandations permettra d’assurer l’intégrité des documents scellés. Cependant, en raison de leur fragilité, ces documents représentent un défi important. C’est pour cette raison que certains centres d’archives, majoritairement en Europe, privilégient le moulage de sceaux pour garantir l’accès et la pérennité du patrimoine sigillographique. Cette solution est probablement une des seules qui peut permettre la conservation de ce type de document à très long terme, mais demande des fonds qui sont difficiles à obtenir et l’accès à une main-d’œuvre extrêmement expérimenté.

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Remerciement

Je tiens à remercier particulièrement Agnès Prévost, chef de travaux d’art, responsable de l’atelier de restauration-conservation et moulage des sceaux des Archives nationales de France, pour l’envoi de matériel non publié et de photos des différents types de conditionnement.

Bibliographie

D’Armaillé, Solène de la Forest. « Conservation préventive des sceaux et actes scellés », Trésors de cire, [en ligne], https://sceau.hypotheses.org/le-traitement-des-actes-scelles/conservation (page consultée le 20 août 2019).

Douët Darcq, Louis. Collection de sceaux des archives de l’Empire, tome 1, Paris, Henri-Plon, 1863, 696 p.

Foucher, Jean-Pascal et Nathalie Barré. « Les sceaux médiévaux des Archives départementales de l’Orne : De la conservation à la sigillographie », Pourquoi les sceaux ? La sigillographie, nouvel enjeu de l’histoire de l’art, 2011, p. 105-116.

Monnerie, Michel. « Conserver et préserver les sceaux. Dangers et remèdes », La Gazette des archives, n° 164, 1994. p. 44-61.

Nielen, Marie-Adélaïde. « “Pour garder une bonne image”. Phénomènes d’altération et méthodes de conservation des sceaux de cire médiévaux », Héraldique, sigillographie et sociétés savantes, Bulletin de liaison des sociétés savantes, n° 12, mars 2007, p. 3-6.

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